Projet de décision modifiant l’échéance de mise en service des nouveaux locaux de gestion des situations d’urgence dans l’installation nucléaire de base n°151, dénommée Melox
Après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, survenu le 11 mars 2011, l’ASN a demandé aux exploitants d’installations nucléaires de réaliser des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) prenant en compte des niveaux d’agressions naturelles extrêmes, allant au-delà de ceux pris en compte à la conception des installations[1]
.Dans ses décisions nos 2012-DC-0303 du 26 juin 2012 et 2015-DC-0484 du 8 janvier 2015, l’ASN prescrit à Orano de disposer sur l’installation Melox de locaux répondant aux exigences des systèmes, structures et composantes du noyau dur et appropriés à la gestion de situations d’urgence de longue durée, ainsi que la mise en œuvre d’une solution alternative dans l’attente de la mise en place du noyau dur[2].
Compte tenu, d’une part, de difficultés rencontrées lors de la construction de ces nouveaux locaux pour garantir leur conformité aux exigences définies et, d’autre part, des conséquences de la situation sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, l’exploitant a demandé à l’ASN un nouveau report de l’échéance de la mise en service des nouveaux locaux au 30 septembre 2023.
Considérant que, en attendant la mise en service des nouveaux locaux de gestion des situations d’urgence, le bâtiment qui abrite le poste de commandement de repli est robuste vis à vis du séisme noyau dur retenu par l’exploitant pour les ouvrages de l’installation et que la construction des nouveaux locaux de gestion des situations d’urgence s’effectue dans le cadre d’une organisation de suivi de projet renforcée, l’ASN juge la demande acceptable.
[1]Ces événements extrêmes comprennent le séisme, l’inondation, les températures extrêmes, les précipitations (neige, vents, foudre grêle, tornade, etc.) et correspondent à des intensités qui dépassent celles retenues à la conception des installations.
[2] Le concept de « noyau dur » vise à disposer de structures et équipements résistant à des événements extrêmes assurant les fonctions fondamentales pour la sûreté des installations et pour la gestion de crise du site
Modalités de la consultation
Référence de la consultation [2021.06.25]
Modalités de la procédure de participation du public portant sur le projet de décision modifiant l’échéance de mise en service des nouveaux locaux de gestion des situations d’urgence dans l’installation nucléaire de base no 151, dénommée MELOX
Le projet de décision modificative de l’ASN relatif aux prescriptions applicables à Orano Recyclageest mis à la disposition du public par voie électronique sur le site Internet de l’ASN pour une durée de 15 jours à compter du 10 juin 2021.
Les observations peuvent être faites par voie électronique sur le site Internet de l’ASN jusqu’à la date du 24 juin 2021.
Documents à consulter
Projets de décision
Projet de décision_Melox.pdf (PDF - 91.85 ko)Documents associés à la consultation
Dossier de sûreté (PDF - 2.03 Mo)Les contributions des internautes
24/06/2021 21:06
Contribution de l'Institut négaWatt
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a soumis à consultation du public un projet de décision visant à repousser l’échéance pour la mise en service du centre de gestion de crise prescrit par l’ASN suite à l’accident de Fukushima dans ses décisions 2012-DC-0303 du 26 juin 2012 et 2015-DC-0484 du 8 janvier 2015. L’ASN met à disposition du public dans le cadre de la consultation deux documents : son projet de décision d’une part et un document intitulé « Dossier de sûreté » d’autre part.
Le « Dossier de sûreté » est en réalité un document de 5 pages, dont la première est un bordereau et la cinquième est vide, et qui ne contient donc en réalité que le courrier de trois pages d’Orano, exploitant de Melox, portant « Demande d’autorisation de modification de la date de mise en service des nouveaux locaux de gestion des situations d’urgence » pour l’INB 151 (usine de Melox), daté du 16 septembre 2020.
Le contenu du courrier d’Orano précise que l’entreprise avait déjà demandé à l’ASN en 2019 un report de l’échéance pour le 30 juin 2020, et que l’ASN avait autorisé le 16 juillet 2019 un report au 30 septembre 2020. Orano précise également que la construction du nouveau bâtiment de gestion des situations d’urgence a été confié au GME Bouygues construction, que le chantier a été suspendu en mars 2020 lors du confinement lié à la pandémie de Covid-19 et que le GME avait souhaité, en juin 2020, résilier le contrat en conséquence de la crise sanitaire. Orano indique que les travaux reprendront au dernier trimestre 2020, le GME ayant finalement accepté de reprendre les travaux. La nouvelle échéance de « date de fin de travaux sans aléa » est désormais annoncée par le GME pour le premier semestre 2022. La requête formulée par Orano intègre pourtant une marge d’une année supplémentaire en demandant un report de l’échéance prescrite pour le 30 juin 2023.
L’Institut négaWatt considère, avant même de commenter le projet de décision sur le fond, que les conditions dans lesquelles cette consultation du public intervient sont, une fois de plus, très loin de permettre au public d’exercer pleinement son droit « d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement », principe à valeur constitutionnelle introduit par l’article 7 de la Charte de l’environnement.
En premier lieu, la consultation n’est ouverte que pour 10 jours, sur un projet de décision que l’ASN ne présente pourtant au public un an après avoir été saisie de cette demande par Orano, sans que rien ne semble justifier ce délai. Au contraire, on ne peut que constater qu’entre le caractère relativement tardif de la demande d’Orano, transmise trois mois seulement avant l’échéance, mais surtout la lenteur de réaction de l’ASN, cette consultation intervient alors que l’ASN a de facto autorisé, sans réaction ni sanction, un retard s’élevant à ce jour à près de 9 mois par rapport à l’échéance réglementairement en vigueur.
L’Institut négaWatt souligne également que le document présenté par l’ASN comme un « Dossier de sûreté », non seulement ne représente rien de tel, mais qu’il ne contient en outre strictement aucune information relative à la sûreté. L’exploitant ne fait état que des difficultés matérielles, contractuelles et organisationnelles à tenir les délais pour la construction du bâtiment. Les éléments soumis à consultation par l’ASN n’apportent aucun éclairage permettant d’apprécier les enjeux de sûreté associés à la mise en œuvre de la prescription visée, et encore moins d’éléments de justification par Orano de l’acceptabilité d’un report en terme de sûreté. C’est pourtant bien à l’exploitant d’apporter cette justification, et c’est un comble de constater que c’est l’ASN, par un considérant portant sur la robustesse au séisme du « bâtiment qui abrite transitoirement le poste de commandement de repli », qui endosse la responsabilité de cette justification dérogatoire…
Sur le fond, le principal enjeu de la décision porte en réalité sur le caractère justifié et donc acceptable du retard accumulé dans la mise en œuvre de cette prescription. L’Institut négaWatt rappelle à ce titre, comme il l’a fait récemment dans un rapport consacré à la mise en œuvre des prescriptions de renforcement tirées du retour d’expérience de Fukushima sur le parc de réacteurs français (1), que l’ASN avait formulé dès janvier 2012 (2), à l’issue des évaluations complémentaires de sûreté et concernant toutes les installations nucléaires prioritaires, dont faisait évidemment partie l’usine Melox, la conclusion suivante : « la poursuite de leur exploitation nécessite d’augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté dont elles disposent déjà, leur robustesse face à des situations extrêmes. »
L’Institut négaWatt dénonce dans ce rapport le caractère « apparemment volontariste mais délibérément flou » de cette notion de meilleurs délais, soulignant qu’elle est, en l’absence de définition dans la réglementation nucléaire pour permettre d’en apprécier l’interprétation et le cas échéant de la contester juridiquement, « laissée à la libre et entière appréciation de l’ASN ». Le projet de décision soumis à consultation concernant les locaux de gestion des situations d’urgence à Melox en fournit une nouvelle illustration criante.
Nous ne pouvons ici que rappeler notre position : « à l’image de la notion de “meilleures technologies disponibles”, employée dans différents champs de la réglementation industrielle et environnementale », l’Institut négaWatt considère que « la notion de “meilleurs délais” peut pourtant s’entendre comme la mise en œuvre dans les délais les plus courts possibles du point de vue opérationnel, en fonction de résultats d’études qui doivent eux-mêmes être disponibles dès que possible pour caractériser techniquement les actions à entreprendre, et des conditions réalistes de mise en œuvre de ces actions sur les sites. »
La dérive constatée sur la mise en œuvre de la prescription relative au centre de gestion des situations d’urgence à Melox s’écarte très clairement et largement d’un tel critère. En particulier, s’agissant de la dernière demande en date de report, visée par le projet de décision, il est évident au vu des dates indiquées que la situation sanitaire ne saurait justifier à elle seule le retard pris dans l’avancée du chantier. En effet, Orano demande un report de l’échéance de près de trois ans, alors que la suspension du chantier a duré moins d’un an. Il est illusoire de penser que sans la crise sanitaire, l’échéance du 30 septembre 2020 aurait été respectée. Les explications d’Orano dans son courrier à l’ASN sont donc très probablement incomplètes.
L’ASN mentionne d’ailleurs, dans son projet de décision, des « difficultés rencontrées par le constructeur et l’exploitant pour garantir la conformité de ce nouveau bâtiment aux exigences définies » sans pour autant préciser quelles sont les difficultés rencontrées et quelles exigences sont concernées par ces difficultés. Elle ne précise pas davantage si et comment ces difficultés ont pu être résolues. L’ASN semble se satisfaire d’accepter la demande d’Orano, considérant que l’existence de moyens temporaires robustes au séisme permet un tel report.
L’Institut négaWatt rappelle que ce projet de report n’est pas un événement singulier : il intervient au contraire après plusieurs reports précédents. En juin 2012, l’ASN a initialement prescrit la mise en service de nouveaux locaux robustes aux conditions dites « noyau dur » de gestion des situations d’urgences avant une échéance fixée au 31 décembre 2016. En janvier 2015, l’ASN a procédé à un premier report, en fixant la nouvelle échéance au 30 juin 2018. Puis en juillet 2019, alors qu’une première fois cette échéance avait été dépassée de plus d’un an sans action ni sanction, l’ASN a repoussé une nouvelle fois l’échéance, cette fois au 30 septembre 2020.
Avec le projet soumis à consultation, c’est un nouveau report au 30 juin 2023 qui est prêt à être accordé. Ainsi, en supposant que ce nouveau délai soit cette fois respecté, la mise en service des locaux de gestion des situations d’urgence pourrait atteindre six ans et demi de retard au total, pour une durée de réalisation initialement prévue de moins de cinq ans. Si Orano avait demandé dès 2015, un report de l’échéance pour 2023, cette demande aurait probablement été refusée.
La position adoptée par l’ASN, qui consiste à adapter ses exigences aux difficultés de l’exploitant, est contraire à l’esprit du Code de l’environnement, qui indique dans son article L.593-6 que l’exploitant « dispose des ressources techniques, financières et humaines, qu'il décrit dans une notice, et met en œuvre les moyens nécessaires pour exercer cette responsabilité ». C’est donc bien à l’exploitant de se mettre en situation de répondre aux exigences de sûreté et non à l’Autorité de sûreté nucléaire d’adapter ses prescriptions aux moyens de l’exploitant.
Sur un tout autre dossier, l’ASN constatait récemment, dans une lettre de suite d’inspection adressée à un autre exploitant, « une certaine forme d’habituation à l’écart » (CODEP-OLS-2021-029121). L’Institut négaWatt constate et déplore pour sa part une forme d’habituation, de la part de l’ASN, au non-respect des prescriptions par les exploitants. En effet, ce type de report n’est pas une première : des retards successifs ont également été constatés et acceptés par l’ASN pour la mise en service des diesels d’ultime secours sur les sites d’EDF, et dans de multiples dossiers (3).
La tendance de l’ASN à accepter des reports successifs d’échéances de prescriptions de sûreté en raison de difficultés des exploitants à tenir les délais prescrits, sans jamais les accompagner de sanctions, conduit à deux risques importants :
• L’absence d’efforts suffisants des exploitants pour se mettre en conformité aux exigences : pourquoi un exploitant dégagerait-il les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les prescriptions dans les échéances qui lui sont fixées, puisque la démonstration du fait qu’il n’a pas réussi à le faire conduit systématiquement à une révision des échéances, s’adaptant a posteriori aux moyens qu’il a choisi de consacrer aux travaux ?
• La perte de crédibilité de l’ASN : quelle valeur accorder désormais aux prescriptions de l’ASN, et plus spécifiquement aux échéances qu’elle fixe pour leur mise en œuvre, puisque ces prescriptions ressemblent plus à des recommandations qu’à des obligations ? Quelle confiance peut raisonnablement avoir le public, d’une manière générale, dans les décisions de l’ASN lorsque celles-ci ne sont pas respectées, sans sanction de l’exploitant ?
L’Institut négaWatt considère que le projet de décision de l’ASN n’est pas acceptable et que l’exploitant, même si les difficultés liées au contexte sanitaire imposé par la Covid-19 doivent être prises en compte, a accumulé dans ce dossier un retard injustifiable, qui aurait dû ou devrait être sanctionné. Dans ce dossier et d’une manière générale, la Commission des sanctions de l’ASN devrait se saisir de la question du respect des délais fixés dans les prescriptions, afin de fixer des sanctions suffisamment dissuasives pour faire respecter les échéances prescrites.
L’Institut négaWatt appelle à une plus grande vigilance de l’ASN face à cette habituation au non-respect des prescriptions et, au-delà du cas particulier de Melox, face à l’ampleur des travaux à venir sur l’ensemble du parc et des installations de la chaîne du combustible et au risque de dérive des calendriers, demande à l’ASN d’engager une réflexion pluraliste sur les dangers d’une gestion des retards par reports successifs des échéances et sur sa stratégie de contrôle du respect des exigences.
(1) Institut négaWatt, Les mesures de renforcement du parc nucléaire français, dix ans après Fukushima, 5 mai 2021. Voir http://bit.ly/penf0055
(2) ASN, Évaluations complémentaires de sûreté, Rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire, décembre 2011. Voir http://bit.ly/penf0030
ASN, Avis n°2012-AV-0139 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 3 janvier 2012 sur les évaluations complémentaires de la sûreté des installations nucléaires prioritaires au regard de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Voir http://bit.ly/penf0029
(3) WISE-Paris, Respect des prescriptions et des exigences de sûreté par EDF : retour d’expérience sur les risques de dérive et de dérogation, 2 octobre 2019. Voir http://bit.ly/penf0020
Sommaire de la consultation
- Que permet le module de participation du public ?
- Quelles sont ses fonctionnalités ?
- Pourquoi créer un compte sur le site de l'ASN ?
- Confidentialité
Date de la dernière mise à jour : 04/08/2021