Les échelles de classement des incidents et accidents nucléaires et des événements en radioprotection

La nécessité d’informer le public de la gravité des événements nucléaires, notamment après l’accident de Tchernobyl (1986), conduit à développer des échelles de classement.

La première échelle a été mise en place en 1987 par le Conseil supérieur de la sûreté et de l’information nucléaires (CSSIN). L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a joué un rôle essentiel dans la création, en 1991, de l’échelle internationale INES de classement des événements nucléaires (International Nuclear and Radiological Event Scale), publiée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En 2002, l’ASN a proposé une nouvelle version de cette échelle, pour prendre en compte les événements de radioprotection (irradiation, contamination), notamment ceux touchant les travailleurs, quel que soit le lieu de l’incident. Par la suite, en juillet 2008, l’AIEA a publié une échelle INES révisée qui permet de mieux prendre en compte les événements survenant dans le domaine des transports ou entraînant l’exposition de personnes à des sources radioactives. Le manuel d’utilisation de cette échelle a quant à lui été publié en langue française en 2011.

Les événements de radioprotection affectant les patients dans le cadre d’une radiothérapie font l’objet d’une échelle distincte : en juillet 2007, l’ASN a élaboré, en concertation avec la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO), l’échelle ASN-SFRO, qui a été publiée en 2008. Enfin, l’ASN a proposé en septembre 2008 au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) de s’associer aux travaux qu’elle a engagés depuis 2007en vue de mettre en place un indice de mesure de la radioactivité dans l’environnement.

Échelle INES

Présentation et objectifs

Échelle INES

Par analogie avec le classement des phénomènes naturels comme les séismes, le vent ou les avalanches, la France a mis en place, dès 1987, une échelle de gravité des événements nucléaires, dont l’AIEA s’est largement inspirée pour concevoir l’échelle INES.

Cette échelle, utilisée au plan international depuis 1991, s’appuie sur des critères objectifs. Appliquée par plus de soixante pays, elle est destinée à faciliter la perception par les médias et le public de l’importance des incidents et des accidents nucléaires.

Elle ne constitue pas un outil d’évaluation ou de mesure de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et ne peut servir de base ni à l’in- demnisation ni à des sanctions. L’échelle INES n’est pas destinée à faire des comparaisons internationales et ne saurait en particulier établir de relation de cause à effet entre le nombre d’incidents déclarés et la probabilité que survienne un accident grave sur une installation.

Nature des événements classés sur l’échelle INES

A l’origine, l’échelle a été appliquée pour classer les événements survenant dans des centrales nucléaires, puis a été étendue et adap- tée de manière à pouvoir être appliquée à toutes les installations associées à l’industrie nucléaire civile. Plus récemment, elle a été encore étendue et adaptée pour répondre au besoin croissant de communication sur l’importance de tous les événements associés au transport, à l’entreposage et à l’utilisation de substances radioactives et de sources de rayonnements.

Afin de les classer sur INES, les événements nucléaires et radiolo- giques, sont considérés sous l’angle de leur impact dans trois domaines différents (tableau ci-après) :

  • l’impact sur la Population et l’environnement prend en compte les doses de rayonnements à la population près du lieu de l’événement et le rejet imprévu, à grande échelle, de substances radioactives depuis une installation ;
  • l’impact sur les Barrières et les contrôles radiologiques concerne les événements survenant dans les installations n’ayant pas d’impact direct sur la population ou l’environnement. Sont pris en compte la présence imprévue de rayonnements de forte intensité et le rejet de quantités importantes de substances radioactives à l’intérieur de l’installation ;
  • l’impact sur la Défense en profondeur concerne les événements sans impact direct sur la population ou l’environnement, mais pour lesquels les diverses mesures mises en place pour empêcher des accidents n’ont pas fonctionné comme prévu.

Chaque événement doit être examiné sous ces trois angles. L’ événement est alors classé au niveau le plus élevé atteint sous l’un des trois angles.

 

Échelle ASN-SFRO

Présentation et objectifs

L’échelle ASN-SFRO a été élaborée en juillet 2007 par l’ASN en concertation avec la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Après évaluation conjointe avec la SFRO et la Société française de physique médicale (SFPM) sur une période de douze mois, l’échelle a été publiée sur www.asn.fr en juillet 2008.

Échelle ASN-SFRO

Elle a pour objectif d’informer le public sur les événements de radioprotection affectant des patients dans le cadre d’une procédure de radiothérapie.

Les événements sont classés sur l’échelle ASN-SFRO selon huit niveaux :

  • les niveaux 0 et 1 sont utilisés pour classer les événements sans conséquence clinique pour le (ou les) patient(s) concerné(s) ;
  • les niveaux 2 à 3 correspondent aux événements qualifiés d’“incidents” ;
  • les niveaux 4 à 7 correspondent aux événements qualifiés d’“accidents”.

La gravité des effets est appréciée en se référant à la classification clinique internationale (grades CTCAE1), déjà utilisée par les praticiens. Les effets pris en compte dans la déclaration faite à l’ASN sont des effets inattendus ou imprévisibles dus à des doses délivrées ou à des volumes irradiés inappropriés. Ne sont pas pris en compte les éventuels effets secondaires, quel que soit leur grade, résultant de la stratégie de traitement retenue par le praticien en concertation avec le patient, et apparus en dehors de toute erreur de volume irradié ou de dose délivrée (risque accepté).

Pour les patients affectés par un événement de radiothérapie, l’apparition des effets ou des complications résultant peuvent être différés dans le temps. Ainsi, un événement peut être classé provisoire- ment à un niveau, celui-ci pouvant être modifié en fonction de l’évolution de l’état de santé du patient.

A la différence de l’échelle INES, le critère de défense en profondeur (appréciation du niveau de sûreté de l’activité de radiothérapie) n’est pas retenu pour cette classification, ceci afin d’éviter la confusion entre gravité médicale et défaillance du dispositif ou de l’organisation du service.

Critères de classification

Comme dans l’échelle INES, les critères de classement d’un événement sur l’échelle ASN-SFRO portent non seulement sur les conséquences avérées mais aussi sur les effets potentiels des événements. Lorsque plusieurs patients sont concernés par le même événement, le niveau de classement retenu correspond aux effets observés ou attendus les plus graves. Dans le cas d’effets avérés, le nombre de patients exposés est également pris en compte.

Critères portant sur les conséquences avérées

Lorsque les effets sont avérés, la classification est effectuée en se référant aux différents grades de classification clinique de l’échelle CTCAE. Ainsi :

  • le niveau 1, correspondant au grade 1, intègre des effets bénins mais aussi des événements pour lesquels aucun effet n’est attendu ;
  • le niveau 2, correspondant au grade 2, intègre les effets aigus ou effets tardifs modérés tels qu’une sténose radique modérée, altération tissulaire peu gênante (fibrose cutanée), ou une altération minime ou nulle de la qualité de vie ;
  • le niveau 3, correspondant au grade 3, intègre les effets aigus ou effets tardifs sévères tels qu’une nécrose tissulaire gérable n’engageant pas le pronostic vital avec altération modérée de la qualité de vie (rectite sévère, cystite sévère…) ;
  • le niveau 4, correspondant au grade 4, intègre les effets aigus ou effets tardifs graves tels qu’une myélite radique, une nécrose tissulaire étendue non gérable engageant le pronostic vital avec altéra- tion importante ou majeure de la qualité de vie (rectite grave, cystite grave...) ;
  • les niveaux 5, 6 et 7, correspondant au grade 5 de la classification clinique, font référence à un ou plusieurs décès.

Critères dosimétriques et effets potentiels

Lorsque les effets ne sont pas encore avérés, des critères de dose ou de volume irradié sont retenus pour une classification provisoire. L’écart entre la dose reçue et la dose prévue est évalué sur la base des écarts admis ou tolérés, compte tenu des pratiques existantes ou des références disponibles.

De la même façon, l’écart entre le volume réellement irradié et le volume qui aurait dû être traité est analysé en prenant en compte la présence ou non d’organes particulièrement sensibles aux rayonnements.

Pour des écarts significatifs, voire très significatifs, l’événement sera classé aux niveaux 2 ou 3, voire 4.

En cas de forte incertitude sur la survenue éventuelle des effets possibles, l’événement est classé au niveau 1 ou niveau 2 (selon les conditions de l’événement).

Critères portant sur le nombre de patients exposés

Pour des effets avérés de niveau égal à 2, 3 ou 4, le niveau de classement est affecté du signe + lorsque le nombre de patients concernés est supérieur à 1.

Pour le cas d’un événement ayant entraîné le décès de plusieurs patients, le classement au niveau 5 est augmenté de :

  • + 1 si le nombre de patients concernés est supérieur à 1 et inférieur ou égal à 10 ;
  • + 2 si le nombre de patients concernés est supérieur à 10.

Afin d’éviter toute confusion sur la gravité des effets, le critère de surclassement portant sur le nombre de cas n’est pas appliqué dans le cas d’effets potentiels, sauf lorsque les informations portant sur la dose délivrée et/ou sur le volume irradié permettent déjà un pronostic en termes de décès, d’effets graves ou sévères.