Lettre d’information de l'EPR n°16 - Les actions de l’ASN sur le contrôle du chantier de construction du réacteur EPR de Flamanville : les points marquants.

Publié le 14/11/2014 à 14:30

Note d'information

Au second semestre 2013 et au début de l’année 2014, l’ASN a poursuivi au cours de plusieurs inspections le contrôle du chantier de construction du réacteur EPR Flamanville 3 et des différentes fabrications à destination de celui-ci. Les points marquants de ces derniers mois sont détaillés ci-après.

Contrôle des premiers essais de démarrage du réacteur EPR de Flamanville 3

Les essais de démarrage sur le chantier EPR de Flamanville 3 ont pour objectif de contribuer à la démonstration que les équipements installés respectent les exigences les concernant. Afin de s’assurer que les objectifs assignés aux essais de démarrage seront atteints, l’ASN a fixé, par décision n° 2013-DC-0347 du 7 mai 2013, des prescriptions qui encadrent l’organisation d’EDF pour l’élaboration de la documentation relative aux essais, le déroulement et l’enchaînement de ces essais et l’analyse de leurs résultats.

En fin d’année 2013, à l’occasion des premières mises en tension des armoires électriques et de contrôle-commande classées au regard de leur importance pour la sûreté, l’ASN a contrôlé la préparation aux essais de démarrage et l’organisation définie sur le site pour la réalisation de ces essais. A travers deux inspections dans les services centraux d’EDF, réalisées le 11 juillet et le 26 novembre 2013, et deux inspections sur site, réalisées le 5 novembre et le 18 décembre 2013, l’ASN s’est attachée, en particulier, à vérifier l’adéquation de l’organisation avec les prescriptions édictées.

Au terme de ces premières inspections, l’ASN considère que l’organisation définie et mise en œuvre dans les services centraux d’EDF pour l’élaboration de la documentation relative aux essais de démarrage est globalement satisfaisante. La phase des essais de démarrage a débuté et certains systèmes ne sont pas encore dans leur configuration définitive. L’ASN considère qu’EDF doit continuer de démontrer dans toutes ses activités la prise en compte effective des modifications matérielles apportées à la conception détaillée de Flamanville 3.

La poursuite du chantier va s’accompagner d’un nombre croissant d’essais de démarrage et l’ASN restera vigilante, à l’occasion notamment de ses inspections relatives aux essais de démarrage, au respect des prescriptions qu’elle a édictées.

Schéma du pont polaire et des équipements de levage et manutention. En rouge les chariots additionnels

Événement significatif relatif au chariot « 320 t » du pont polaire du réacteur EPR de Flamanville 3

Le 16 octobre 2013, pendant un essai en charge du chariot dit « 320 t » du pont polaire du bâtiment réacteur, un incident est survenu, provoquant la dégradation de pièces du chariot et la projection de composants métalliques au-delà du périmètre de sécurité qui avait été défini. Cet événement n’a pas eu de conséquence pour les travailleurs. La charge manutentionnée pendant cet essai est restée suspendue au bout du câble de manière sécurisée. L’ASN assure l’inspection du travail sur le site et s’est assurée qu’EDF avait pris les mesures nécessaires et défini un plan d’action spécifique pour renforcer la sécurité des activités et leur bonne coordination.

Certaines pièces éjectées ont heurté la peau métallique d’étanchéité de l’enceinte interne au niveau du dôme, occasionnant deux impacts dont l’un d’eux était traversant. En début d’année 2014, des travaux de réparation par soudage ont été réalisés sur ce dernier impact afin de restaurer l’étanchéité du liner.

Dôme et pont polaire de l'EPR à Flamanville

Le chariot « 320 t » sera principalement utilisé pour la manutention du couvercle de cuve afin de permettre le rechargement en combustible, lorsque le réacteur sera en service. Le bon fonctionnement de ce chariot doit être assuré afin de prévenir le risque que les pièces manutentionnées ne viennent endommager d’autres matériels situés dans le bâtiment réacteur.

A la suite de cet incident et à la demande de l’ASN, EDF a déclaré un événement significatif pour la sûreté. Les premiers éléments d’analyse montrent que l’événement trouve son origine dans une calibration inadéquate de la chaîne de mesure du chariot destinée à la détection des survitesses. Les pièces endommagées lors de l’événement seront remplacées et EDF devra procéder à de nouveaux essais en charge et à la qualification du chariot. L'ASN a demandé à EDF de procéder à une analyse au titre du retour d'expérience et d'identifier les actions correctives nécessaires. L'ASN effectuera l'examen de ces éléments.

Écart concernant la qualité de réalisation du bétonnage de la levée n°14

Le 16 janvier 2014, EDF a informé l’ASN de la détection d’un écart de bétonnage concernant la levée n° 14, située au niveau de la liaison entre le fût cylindrique et le dôme de l’enceinte interne du bâtiment réacteur. L’écart a été détecté après la prise du béton, principalement au niveau de trois zones qui présentaient une couleur plus sombre.

EDF a procédé au retrait du béton dans ces zones, qui sont apparues plus pauvres en granulats. Des marges ont été appliquées lors du retrait pour garantir que les caractéristiques du béton maintenu en place sont conformes aux exigences fixées. Au terme de ces opérations, les dimensions maximales des défauts sont apparues de l’ordre de 10 cm de haut, 40 cm de profondeur et, pour l’un d’entre eux, de 4 m de long. Les autres défauts présentaient une longueur de l’ordre de la dizaine de centimètres.

L’analyse transmise par EDF à l’ASN a identifié que la pluie, plus forte que prévue au moment de la coulée, avait conduit par ruissellement à l’accumulation d’un mélange d’eau et de particules fines dans certaines zones, l’eau accumulée n’ayant pu s’évacuer étant donné le faible diamètre des orifices pratiqués dans le coffrage. Ces zones n’ont ainsi pas reçu la densité attendue de granulats.

EDF a présenté à l’ASN une stratégie de réparation par injection d’un micro-béton, comportant des granulats de dimension plus faible afin d’épouser au mieux le contour des volumes de béton retirés. Afin d'éviter le renouvellement de cet écart, EDF a renforcé les dispositions permettant l'évacuation des eaux de ruissellement et a amélioré à cette fin la procédure de bétonnage utilisée. Cette stratégie n’a pas soulevé d’observation de la part de l’ASN et sa mise en œuvre par EDF a été jugée satisfaisante par l’ASN.

Enceinte de confinement de l'EPR de Flamanville

Écarts concernant la précontrainte de l’enceinte interne du bâtiment réacteur

Le bâtiment abritant le réacteur de l’EPR est constitué d’une double enceinte. L’enceinte externe, en béton armé, a pour fonction de protéger les équipements des effets d’une agression d’origine extérieure. L’enceinte interne est constituée de béton précontraint, ce qui lui confère une résistance aux élévations de pression susceptibles de survenir en situation accidentelle. Cette précontrainte est assurée par des câbles, enfilés dans des gaines incorporées dans le béton, puis tendus de manière à appliquer sur le béton une force de compression qui s’opposerait à une éventuelle surpression interne. Un coulis de ciment est enfin injecté dans les gaines, de manière à protéger les câbles de la corrosion.

Huilage des torons

Début juillet 2014, EDF a informé l’ASN de deux écarts survenus au cours des opérations de mise en précontrainte. Le premier a concerné l’injection de coulis dans la gaine d’un câble horizontal. La quantité de coulis préparée dans le dispositif d’injection était insuffisante et une décision inadéquate a conduit à utiliser de l’eau pour pousser le coulis dans le dispositif d’injection. Cette manière de procéder a abouti à l’injection dans la gaine de précontrainte d’un mélange d’eau et de coulis, donnant lieu à des risques de corrosion des torons[1] à long terme.

Le second écart a concerné la mise sous tension d’un câble vertical : les différents torons constituant le câble ont été tendus à des degrés très inégaux, ce qui réduit l’efficacité de la précontrainte.

La division de Caen a procédé à une inspection le 17 juillet 2014, pour examiner le traitement réservé par EDF à ces écarts. Les inspecteurs ont retenu que les incidents ayant affecté le chantier de précontrainte avaient pour origines principales des insuffisances documentaires ainsi que le non-respect de procédures par un intervenant extérieur. Ils ont néanmoins observé que la gestion par EDF de ces écarts avait été appropriée et conforme à ses procédures internes. En particulier, EDF a informé l’ASN des écarts détectés et a suspendu le chantier de précontrainte à titre conservatoire, dans l’attente de déterminer les causes des écarts et d’établir un plan d’action correctif. Ce plan étant aujourd’hui défini et mis en œuvre, les opérations de précontrainte peuvent reprendre. Concernant l’écart sur le câble horizontal, des mesures de caractérisation et de réparation du défaut doivent encore être conduites par EDF. S’agissant de l’écart sur le câble vertical, EDF a décidé de remplacer tous les torons du câble concerné pour procéder à une nouvelle mise en tension.

Débuts du chantier de construction du futur centre de crise du site de Flamanville

Par sa décision n° 2012-DC-0283 du 26 juin 2012, l’ASN a imposé à EDF des prescriptions complémentaires applicables au site de Flamanville au vu des conclusions des évaluations complémentaires de sûreté (ECS)[2]. Ces prescriptions complémentaires imposent la mise en place d’un « noyau dur », qui devra notamment comprendre des dispositions pour renforcer la capacité de l’exploitant à assurer ses missions de gestion de crise dans des conditions extrêmes, d’amplitudes supérieures à celles prises en compte lors de la conception.

Pour répondre à cette prescription, EDF a notamment décidé la construction d’un nouveau local de gestion des situations d’urgence à Flamanville ; il devra être opérationnel pour la mise en service de Flamanville 3.

Le chantier de construction du futur centre de gestion des situations d’urgence a ainsi débuté dans la partie Nord du site en fin d’année 2013. Les opérations de terrassement et la première coulée de béton ont été effectuées en août 2014. Les locaux devront présenter une grande résistance aux agressions, comme le séisme par exemple, et rester accessibles et habitables en permanence par les équipes gérant les situations d’urgence, y compris lors de crises de longue durée et en cas de rejets radioactifs.

L’ASN demeure attentive à la construction des locaux du centre de crise local de Flamanville, communs aux trois réacteurs nucléaires du site, qui remplaceront les locaux de gestion de crise existants. L’ASN a prévu de conduire une inspection lorsque l’avancement du chantier s’y prêtera.

Rencontre entre l’ASN et l’Autorité de sûreté finlandaise

L’ASN et l’Autorité de sûreté finlandaise (STUK) se sont rencontrées en France à l’automne 2013. Ces échanges réguliers permettent aux deux Autorités de partager leur expérience concernant le contrôle de la construction et l’instruction technique du design des réacteurs de type EPR, un réacteur de ce type étant aussi en cours de construction sur le site d’Olkiluoto, dans l’ouest de la Finlande. Des réunions techniques ont eu lieu sur la préparation des essais de démarrage, les problématiques liées aux travaux de génie civil ainsi que sur la fabrication et l’installation des gros composants mécaniques.

Par ailleurs, deux inspecteurs finlandais ont assisté à l’automne 2013 à une inspection de l’ASN sur le site de Flamanville qui a porté sur les montages mécaniques.

En février 2014, deux inspecteurs de l’ASN se sont rendus avec des experts de l’IRSN en Finlande pour assister à des inspections menées par STUK, préalablement à l’épreuve de réception de l’enceinte du réacteur en construction Olkiluoto 3. Cette visite a permis à l’ASN de mieux appréhender le déroulement de cette opération et de préparer son approche de contrôle pour la réalisation de la même épreuve sur le réacteur en construction Flamanville 3.

Montage du circuit primaire principal

Chantier EPR Flamanville (Manche) : vue générale et bâtiment réacteur - © EDF Médiathèque - Alexis Morin - Antoine Soubigou

La construction de la chaudière nucléaire du réacteur EPR est réalisée par séquences de montage successives. L’ASN, en liaison avec les organismes agréés pour l’évaluation de la conformité des équipements sous pression nucléaires, s’assure du respect des prérequis à ces opérations. Ces prérequis portent notamment sur la prise en compte des risques inhérents aux montages électromécaniques, les contrôles à effectuer sur site, l’organisation mise en place par EDF et AREVA pour limiter les risques associés aux activités exercées par d’autres entreprises à proximité des locaux concernés, ainsi que sur la propreté des aires de travail et des équipements assemblés.

L’ASN et les organismes agréés procèdent dans ce cadre à l’examen de la documentation technique relative aux opérations de montage ainsi qu’à des actions de surveillance des opérations de montage ou de fabrication des équipements sous pression nucléaires réalisées sur site.

AREVA a réalisé entre février et juillet 2014 une première séquence de montage du circuit primaire du réacteur consistant à introduire dans le bâtiment réacteur et à assembler entre eux les composants suivants de la boucle n°2 du circuit primaire du réacteur : corps de cuve, branches en U, branche froide, branche chaude et volute de pompe primaire.

L’ASN a réalisé, pendant cette période, deux inspections respectivement d’EDF et d’AREVA portant sur le montage du circuit primaire de l’EPR et deux inspections portant sur la surveillance de ces activités exercée par le BUREAU VERITAS en tant qu’organisme mandaté par l’ASN. Au vu de ces premières inspections, l’ASN considère que les opérations de montage conduites depuis l’été 2014 impliquant les gros composants du circuit primaire se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Elles seront progressivement étendues, après vérification par l’ASN de la prise en compte de l’expérience acquise lors des premières activités réalisées.

En savoir plus

Texte de référence

Lettres de suite d'inspection

  • Application de l’arrêté du 7 février 2012 aux activités de réalisation de l’INB n°167 Réacteur EPR
    Inspection du 11/07/2013
  • INSSN-DCN-2013-0634
    (125,47 ko)
  • Application de l’arrêté du 7 février 2012 à l’élaboration des documents relatifs aux essais de démarrage de Flamanville 3
    Inspection du 26/11/2013
  • INSSN-DCN-2013-0633
    (123,70 ko)
  • Montages mécaniques, du soudage du liner de l'enceinte interne et du contrôle interne au sein de l'Aménagement
    Inspection du 29/08/2013
  • INSSN-CAE-2013-0604
    (123,97 ko)
  • Préparation à la réalisation des essais de démarrage
    Inspection du 18/12/2013
  • INSSN-CAE-2013-0606
    (163,46 ko)
  • Précontrainte de l'enceinte interne du bâtiment réacteur
    Inspection du 17/07/2014
  • INSSN-CAE-2014-0629
    (129,28 ko)
  • Premiers montages mécaniques des équipement du circuit primaire principal
    Inspection du 11/06/2014 au 13/06/2014
  • INSSN-CAE-2014-0636
    (128,91 ko)
  • Projet EPR FA3 – Contrôle de la fabrication des ESPN - Conformité des opérations de soudage du circuit primaire de la chaudière destinée à Flamanville 3
    Inspection du 12/06/2014
  • INSSN-DEP-2014-0742
    (106,11 ko)
  • Contrôle des organismes agréés pour les équipements sous pression nucléaires - Surveillance du transfert dans l’œuvre de la cuve du réacteur EPR
    BUREAU VERITAS - Brignais (69)
    Inspection du 12/02/2014 au 13/02/2014

[1] Un toron est l’un des 54 filins métalliques constituant un câble de précontrainte.

[2] Les ECS avaient été imposées par l’ASN à l’ensemble des INB afin de prendre en compte le retour d’expérience de l’accident de Fukushima-Daiichi survenu le 11 mars 2011.

Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021