Quelques définitions
Site pollué par des substances radioactives : site qui, du fait d'anciens dépôts de substances ou déchets radioactifs, d'utilisation ou d'infiltration de substances radioactives ou d'activation radiologique de matériaux, présente une pollution radioactive susceptible de provoquer une nuisance ou un risque durable pour les personnes ou l'environnement. (Annexe 13-7 du code de la santé)
Une substance radioactive est définie comme toute « substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l’activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection» (article L. 542-1-1 du Code de l’environnement).
Les terrains concernés par ce type de pollution couvrent un large éventail : terrains industriels en friches ou encore partiellement (voire totalement) exploités, sites historiques liés notamment à l'extraction du radium, reconvertis en propriétés publiques ou privées. Concernant les terrains militaires, l'Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) est seule compétente pour leur dépollution.
A quoi est due cette pollution ?
La pollution est le plus souvent historique. Au siècle dernier, de nombreuses industries et commerces utilisaient en effet des substances radioactives, sans se préoccuper du fait, encore ignoré, que la radioactivité pouvait à certaines doses être dangereuse pour la santé humaine et contaminer les lieux pendant longtemps.
Ces sites, sur lesquels des substances radioactives ont pu jadis être utilisées, sont pour certains toujours en activité, voire habités.
Les substances radioactives continuent d’être utilisées aujourd’hui, notamment pour la production d’énergie ou dans la médecine. La réglementation contraint les exploitants à prendre en charge la pollution qui résulte de leurs activités, sur le principe du pollueur-payeur inscrit dans le code de l’environnement.
Les principaux secteurs industriels concernés sont :
- la production de radium et plus récemment des molécules marquées (carbone 14, ...) pour la médecine ou les laboratoires pharmaceutiques ;
- la fabrication et l’application de peintures radioluminescentes (radium puis tritium) pour la vision nocturne ;
- l'extraction de monazite pour les pierres à briquet (thorium) ou plus récemment pour l'extraction des zircons pour des abrasifs ;
- la production d’engrais phosphatés, la fabrication d’acide phosphorique, la production d’énergie par les centrales thermiques à charbon ou encore l’extraction minière d’uranium ont pu ou peuvent générer des résidus radioactifs.
Pollutions historiques : la saga du radium
Qu’est-ce que le radium?
Le radium a été découvert par Pierre et Marie Curie en 1898. C’est un métal alcalino-terreux (symbole : Ra ; numéro atomique : 88). Il est présent en faible quantité dans la croûte terrestre et présente plusieurs isotopes, tous radioactifs. Le plus courant, le radium 226 (Ra-226) est extrait des minerais d’uranium (il fait partie de la chaîne de désintégration naturelle de l’uranium). Sa période radioactive ou temps de demi-vie est de 1 600 ans (période pendant laquelle sa radioactivité diminue spontanément de moitié). Il est émetteur alpha et gamma. Le produit de sa désintégration est le radon, un gaz radioactif, qui donne à son tour naissance à des éléments radioactifs.
A quoi servait le radium?
Le radium a été largement utilisé pendant plus de 60 ans dans les domaines médicaux et industriels. Les principales applications ont été thérapeutiques (brachythérapie avec des aiguilles de radium) ou cosmétiques (crèmes antirides au radium).
En France, dans les années 1930, on trouve en pharmacie la crème Tho-Radia vendue selon la formule du Dr Alfred Curie (un médecin homonyme des chercheurs Pierre et Marie Curie). Cette préparation qui contient du thorium et du radium en faible quantité est censée effacer les rides du visage. © Archives Robin des Bois |
Le radium a été également utilisé en raison de ses qualités photo luminescentes pour des peintures destinées à l’horlogerie, à l’aviation et aux dispositifs de signalisation de secours, ainsi que pour la conception de paratonnerres radioactifs.
Affiche publicitaire pour la vente d’aiguilles au radium (elles équiperont de nombreux hôpitaux entre 1910 et 1930) et objets radioactifs à usage médical : compresse au radium (autrefois utilisée pour les lombalgies) ; fontaine au radium. Ce type d’objets est actuellement pris en charge par l’ANDRA. @ ANDRA DR @Archives robin des Bois @ droits réservés |
Quel est le problème aujourd’hui?
Depuis 1960, l’utilisation du radium dans les domaines médicaux ou industriels est arrêté. Les sites où il a été utilisé (horlogeries, laboratoires...) peuvent encore être pollués (les déchets se dégradent lentement) et nécessiter des actions d’assainissement afin de réduire les risques pour la santé et l’environnement. Les exploitants responsables des pollutions sur ces sites sont pour la plupart défaillants (décédés, insolvables…), c’est à dire qu’ils ne sont plus en mesure d’assumer leur responsabilité d’exploitant, celle-ci reposant notamment sur le principe pollueur-payeur. Depuis les années 1990, des actions de dépollution de ces anciens sites ont été entreprises par l’État.
L’opération Diagnostic radium était une opération gratuite pour les occupants des locaux concernés par une pollution radioactive historique. Cette opération consistait à réaliser un diagnostic afin de rechercher, par des mesures de la radioactivité, la présence éventuelle de traces de radium ou d’en confirmer l’absence. Ce diagnostic était réalisé par une équipe de spécialistes de l’IRSN, appui technique de l’ASN, accompagnés par un référent ASN. A l’issue de ce diagnostic, les occupants étaient informés de l’état radiologique des locaux et des expositions éventuelles auxquelles ils avaient pu être soumis.. En cas de détection de traces de pollution, en accord avec les propriétaires, des opérations de réhabilitation étaient réalisées gratuitement puis une attestation, présentant les résultats de la réhabilitation des locaux, était remise à chaque personne concernée.
L'opération Diagnostic radium a été lancée en Ile-de-France en 2010, sous la responsabilité du préfet de la région Ile-de-France, du préfet de Paris, et avec la coordination opérationnelle de l'ASN. Cette opération a concerné 84 sites. L'État a décidé de réaliser gratuitement les diagnostics afin de détecter et, le cas échéant de traiter, les pollutions au radium héritées du passé.
A la fin de l’année 2016, sur 36 sites examinés, huit sites étaient exclus car les immeubles étaient trop récents pour présenter une pollution radioactive, par rapport à l'époque où du radium avait pu être manipulé. Au total plus de 430 diagnostics de locaux et de sols ont été réalisés sur 28 sites; dont 21 diagnostics ont mis en évidence des traces de radium dans les locaux qui ont fait l'objet d'opérations de réhabilitation. Il est à noter que les niveaux mesurés étaient faibles et l'exposition radiologique des occupants ne présentait pas d'enjeu sanitaire.
En 2020, l’ANDRA a annoncé à la Commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR) que les chantiers de réhabilitation engagés à l’issu des diagnostics de 2016 (4 sites) seraient terminés en 2021.
A la suite de la parution du décret n° 2018-434 du 4 juin 2018, une nouvelle organisation institutionnelle doit être mise en place pour reprendre les opérations de diagnostic concernant les 156 sites en France potentiellement pollués par des substances radioactives et répertoriés actuellement dans l’inventaire national de l’ANDRA.
Quelques substances radioactives responsables de pollutions historiques
D’autres substances dont la dégradation conduit à des substances radioactives ont été utilisées par l’industrie.
Le thorium permet ainsi de marquer des molécules utilisées par l’industrie chimique, en particulier dans le domaine médical, où il a été utilisé entre 1928 et 1955 sous forme de dioxyde de thorium (le Thorotrast, un produit de contraste utilisé en radiologie pour les artériographies) et entre 1944 et 1951, pour le traitement de certaines maladies comme la tuberculose ou la spondylarthrite ankylosante ;le thorium est présent dans :
- la monazite : un minerai qui a permis de fabriquer des pierres à briquet, dont la production génère des déchets contenant du thorium (ces déchets ont longtemps été considérés comme inertes). Ils ont pu être réutilisés comme matériaux de remblaiement à proximité des sites, générant des pollutions radioactives ;
- les zircons : le thorium est également présent dans les zircons, ainsi que des terres rares. Le zirconium est utilisé en métallurgie en vue de réaliser des alliages résistants aux chocs thermiques et à la corrosion ; ces alliages sont utilisés dans les industries chimique, nucléaire et aéronautique, ainsi que dans certains usages en fonderie, verrerie, cristallerie, céramique, etc.
Le tritium a été utilisé pour la fabrication des peintures thermoluminescentes (cadrans d'horloges, etc.).
Quelques radioéléments artificiels tels que l'américium 241 (utilisé dans la fabrication des paratonnerres radioactifs ou les détecteurs de fumée) ou le cobalt sous forme de 60Co (isotope radioactif du cobalt utilisé dans l’industrie).
Tête de paratonnerre radioactif au radium 226 © droits réservés |
Que fait l’ASN ?
L’ASN fixe les règles techniques auxquelles doit satisfaire l'élimination des effluents et des déchets contaminés par les radionucléides ou susceptibles de l'être du fait d'une activité nucléaire.Elle valide les objectifs d’assainissement proposés dans le cadre de la réhabilitation des sites, afin d'assurer la radioprotection du public et des futurs usagers des sites une fois qu’ils sont dépollués.