L’ASN considère que l’aptitude au service des cuves des réacteurs de 900 MWe est démontrée jusqu’à 40 ans
Note d'information
Pour tenir compte du vieillissement des cuves et de l’évolution des connaissances et des informations disponibles, la démonstration de la tenue en service des cuves des réacteurs électronucléaires est remise à jour régulièrement par EDF et examinée par l’ASN.En prévision de la prise de position sur l’exploitation de chaque réacteur de 900 MWe à l’issue de sa troisième visite décennale (VD3), EDF a transmis un dossier de justification qui a fait l’objet d’une instruction technique par l’ASN et son appui technique l’IRSN.
Après avoir consulté le Groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires sur ce dossier et sous réserve des dispositions prises par EDF en termes de suivi du vieillissement et de contrôle en service de la cuve, l’ASN n’a pas identifié d’éléments génériques mettant en cause l’aptitude au service de toutes les cuves des réacteurs de 900 MWe jusqu’aux prochaines visites décennales.
Cette position générique sera complétée ultérieurement par une analyse réacteur par réacteur à l’issue de leur troisième visite décennale.
La tenue en service des cuves : une démonstration importante pour la sûreté
L’intégrité de la cuve du réacteur constitue un élément essentiel de la démonstration de sûreté des centrales nucléaires à eau sous pression. C’est une des raisons pour lesquelles toutes les dispositions doivent être prises dès sa conception afin de garantir sa tenue pendant toute la durée d’exploitation du réacteur. La démonstration de tenue en service des cuves repose sur une démonstration mécanique ainsi que sur un programme de suivi des effets du vieillissement sur la cuve et un programme de contrôle en service mené par EDF.
Le vieillissement des cuves des réacteurs
La cuve est l’équipement qui contient le cœur du réacteur : elle subit à la fois une température élevée (300°c), une pression importante et une forte irradiation au cours du fonctionnement de la centrale. Les propriétés mécaniques de l’acier des cuves sont modifiées par l’irradiation. Sous l’effet des neutrons, l’acier de cuve devient selon le vocabulaire technique plus « fragile » : sa résistance à la rupture en présence d’un défaut est amoindrie. EDF a développé un modèle permettant de prévoir la fragilisation du métal de la cuve pour une irradiation donnée. Il s’agit d’un modèle dit « générique », qui se base sur un grand nombre de données et est conforme aux pratiques identifiées par l’AIEA. Les résultats théoriques de ce modèle sont complétés par une vérification expérimentale au moyen d’éprouvettes permettant la réalisation d’essais mécaniques. Positionnées spécifiquement dans la cuve pour être plus irradiées que le métal de la cuve, ces éprouvettes qui sont extraites régulièrement de la cuve permettent d’anticiper les évolutions des propriétés du métal.
La prise en compte des défauts
La démonstration de la tenue en service des cuves prend en compte les effets du vieillissement et la présence éventuelle de défauts de fabrication. Il peut s’agir d'éventuels défauts non détectables - car de taille inférieure aux seuils de détection garantie des procédés de contrôle - ou des défauts mis en évidence par les contrôles réalisés en service. Certaines cuves du parc électronucléaire français présentent des défauts sous leur revêtement[1] qui sont dus au procédé de fabrication : 33 défauts sous revêtement ont été observés sur 9 cuves, dont 20 sur la cuve du réacteur n°1 de Tricastin. Les défauts présents sur les cuves françaises sont contrôlés régulièrement pour s'assurer de leur absence d'évolution en fonctionnement, ce qui est le cas actuellement.
Les mesures permettant de ralentir le vieillissement et de diminuer son impact
En vue de minimiser la fragilisation de l’acier des cuves, EDF a mis en place des plans de chargement du combustible nucléaire permettant de réduire l’irradiation des cuves.
Il est également possible de réduire le choc thermique[2] subi par la cuve en situation accidentelle en réchauffant l’eau du système d’injection de sécurité. Cette mesure permet par exemple d’assurer l’absence de nocivité de défauts détectés en service sur une partie de la cuve où la fragilisation est importante. Elle a déjà été mise en place sur les réacteurs Tricastin 1 et Fessenheim 2 lors de leur deuxième visite décennale.
Validité de la démonstration pour les 10 ans à venir
L’ASN et son appui technique l’IRSN ont examiné la démonstration de tenue en service des cuves pour s’assurer de sa conformité aux exigences réglementaires et vérifier la validité des calculs et des hypothèses utilisés. L’analyse avait pour but de s’assurer que les résultats fournis à chaque étape du calcul étaient conservatifs et que les marges de sécurité prévues par la réglementation étaient respectées.
Les calculs réalisés par EDF ont montré le respect des critères réglementaires pendant la période de 10 ans suivant les VD3. Cependant pour le réacteur Saint Laurent B1, l’ASN a demandé à ce que le réchauffage de l’eau du système d’injection de sécurité soit mis en œuvre lors de sa troisième visite décennale (VD3).
L’ASN considère que l’aptitude au service des cuves de tous les réacteurs de 900 MWe est donc démontrée pendant la période de 10 ans suivant les VD3 des réacteurs. L’ASN vérifiera que les contrôles réalisés lors des visites décennales permettent de s’assurer de l’absence d’apparition de nouveaux défauts et de l’absence d’évolution des défauts déjà détectés. L’ASN a également noté qu’EDF est en mesure de mettre en place rapidement, si nécessaire, des dispositions techniques, telles que le réchauffage de l’injection de sécurité, permettant de garantir l’absence de nocivité des défauts si de nouveaux éléments venaient à remettre en cause le dossier actuel.
L’ASN a aussi formulé plusieurs demandes visant à améliorer encore les méthodes employées, à poursuivre les études pour confirmer les données actuelles et à poursuivre l’étude du caractère conservatif de la méthode.
Pour en savoir plus : |
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[1] La cuve des réacteurs nucléaires est recouverte d’un revêtement en acier inoxydable destiné à protéger l’acier de la cuve de l’eau du circuit primaire.
[2] En cas d’accident conduisant à une fuite du circuit primaire, de l’eau froide est injectée afin d’assurer le refroidissement du réacteur. Cette injection massive d’eau froide peut conduire localement à une diminution rapide de la température de la cuve. Cette réaction est appelée « choc froid ».
Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021