81 Le tritium dans l’environnement 6 3 Synthèse des connaissances sur le comportement du tritium dans les écosystèmes Le tritium est extrêmement mobile et il est susceptible de s’échanger plus ou moins rapidement avec l’hydrogène. Il suit le cycle de l’eau et il peut s’incorporer à l’eau de constitution des cellules ainsi qu’à la matière organique de tous les organismes vivants. Sa très grande mobilité est une source importante de difficultés et d’incertitudes pour la préparation d’échantillons pour la mesure de ce radionucléide. L’absence de définition consensuelle « normalisée » des fractions tritium organique strictement non échangeable, tritium organique échangeable et tritium libre conduit, d’une part à des incertitudes sur les proportions exactes de ces deux fractions, d’autre part à des difficultés pour comparer les résultats de mesures ou d’essais expérimentaux figurant dans diverses références bibliographiques. Il serait très utile qu’une définition unique de ces fractions, forcément associée à l’établissement de protocoles standards de préparation et de mesure du tritium dans les échantillons, soit élaborée par la communauté scientifique. Dans l’atmosphère le tritium se trouve sous forme d’eau tritiée (HTO) (liquide ou vapeur d’eau), d’hydrogène tritié (HT) et de méthane tritié (CH 3 T). La connaissance du comportement de l’hydrogène tritié a été améliorée et cette forme du tritium qui subit une oxydation microbienne dès qu’elle pénètre dans le sol, se comporte ensuite comme l’eau tritiée HTO en étant rapidement réémis dans l’atmosphère ou en migrant vers le sous-sol. L’évaluation du comportement de ces deux formes chimiques du tritium est correctement appréhendée, et probablement de façon majorante, en considérant que tout le tritium rejeté dans l’atmosphère se trouve sous la forme HTO, bien que les cinétiques d’évolution ne soient sans doute pas comparables. On ne connaît guère le devenir de la forme CH 3 T et encore moins celui des éventuelles autres formes organiques. Si elles existent dans les rejets atmosphériques, celles-ci pourraient avoir un comportement plus pénalisant que celui de l’eau tritiée (comme c’est le cas pour les molécules organiques tritiées rejetées dans la baie de Cardiff) et il conviendrait de s’assurer qu’elles n’augmentent pas le transfert de tritium à la biomasse terrestre. Le transfert du tritium aux végétaux terrestres est bien connu pour ce qui concerne les processus impliqués. Il s’effectue en totalité sous forme d’eau (vapeur ou liquide) tritiée. Le tritium s’échange avec l’hydrogène de la vapeur d’eau dans l’atmosphère par la biomasse aérienne et s’incorpore à l’eau du végétal par l’absorption racinaire. Les processus mis en jeu sont très rapides (quelques minutes à quelques heures). Une fraction du tritium se retrouve incorporée ou piégée dans la matière organique, lors de la photosynthèse, mais les valeurs des paramètres nécessaires à la prédiction précise des transferts restent rares et surtout éparses, en particulier pour des rejets ponctuels. La très grande variabilité du comportement du tritium en fonction de la durée d’exposition, des paramètres environnementaux (humidité de l’air, état hydrique du végétal, jour/nuit, durée du rejet...) font que chaque résultat d’essai ne donne que des valeurs de paramètres spécifiques aux conditions dans lesquelles a eu lieu l’expérimentation, difficilement généralisables. L’ensemble des études et observations sur le comportement du tritium ne conduit pas à mettre en évidence de bioaccumulation significative dans les végétaux terrestres, au sens défini au paragraphe 2.2.3. En revanche, une rémanence du tritiumorganique est parfois observée dans des végétaux antérieurement exposés à une contamination ambiante prolongée ou importante ; toutefois cette rémanence peut ou non se manifester selon le contexte de l’exposition (conditions agro-climatiques locales, durée et intensité de l’exposition). L’exposition temporaire d’un végétal non pérenne (e.g., culture annuelle) à un niveau ambiant de tritium plus élevé que le bruit de fond se traduit par une élévation très fugace de la concentration en eau tritié dans la plante. Conjointement et durant les quelques heures à quelques jours suivants, se produit une élévation bienmoins importante de l’activité du tritiumorganique formé par photosynthèse. Cette fraction, variable suivant les conditions de l’exposition,etdistribuéedanslespartiesduvégétalselonlestadevégétatif lors de l’exposition, reste incorporée jusqu’à la récolte (ou jusqu’au prélèvement). Pour le cas particulier où il existe une rémanence du tritium dans des parties persistantes des végétaux pérennes, en particulier les bois d’arbres (et peut-être aussi, les mats de prairie, les parties végétatives des arbustes…), il est possible qu’une partie de ce tritium soit redistribué vers l’ensemble du végétal, ce qui peut conduire à retrouver ultérieurement un niveau de tritium organique dans les échantillons végétaux supérieur au niveau de tritium libre (HTO) dans le végétal ou dans l’atmosphère au moment du prélèvement. En termes de transfert à l’homme, ce cas particulier, à supposer qu’il soit confirmé, n’aurait pas d’incidence importante en termes de contamination. Les données relatives aux produits d’origine animale du milieu terrestre sont peu nombreuses et ce sont surtout des modèles physiologiques d’évolution du tritium (vs. les comportements de l’eau et de la matière organique des animaux) qui ont été développés et qui ont fait l’objet de publications. On ne note pas, dans les échantillons de produits d’origine animale mesurés en milieu terrestre en France, de valeurs particulièrement élevées. De plus, les évaluations réalisées par divers auteurs ne conduisent pas à considérer cette voie de transfert comme particulièrement importante. Par ailleurs, les facteurs de transfert déterminés récemment sont toujours inférieurs à l’unité (et même inférieurs à 0,5 pour le tritium ingéré par l’animal sous forme de matière organique végétale), ce qui va dans le sens d’une absence de bioaccumulation de tritium dans les denrées d’origine animale. Pour les milieux aquatiques marin et continental, il est acquis que le transfert d’eau tritiée aux organismes aquatiques conduit très rapidement à un équilibre entre l’eau tritiée (HTO) dans le milieu d’exposition et le tritium libre dans les tissus biologiques ; les échanges mettant en jeu des formes organiques du tritium sont encore méconnus. Plus particulièrement pour les poissons marins ou les poissons d’eau douce qui constituent les compartiments pour lesquels il existe le plus de données in situ, mais aussi pour les invertébrés marins, des facteurs de concentration OBT organisme /HTO eau supérieurs à 1 ont été déterminés en diverses situations; il semble que de telles observations sont en rapport avec l’origine et la forme physico-chimique du tritium incorporé (ingestion de molécules organiques tritiées). Dans ces conditions, le constat de facteurs de concentration supérieurs à 1 par rapport à l’eau du milieu ambiant ne peut pas être interprété comme étant représentatif d’une bioaccumulation et il conviendrait de déterminer le facteur de concentration du tritium organiquement lié dans l’organisme animal à partir de la mesure du tritium contenu dans les produits consommés par les animaux. 7 Modélisations du comportement du tritium dans les écosystèmes 7 1 Écosystèmes terrestres 7 1 1 Modèles existants De nombreux modèles ont fait l’objet d’intercomparaisons dans le cadre de groupes de travail internationaux consacrés au tritium, tels que BIOMOVS et BIOMOVS II (BIOspheric Model Validation Study) - la synthèse a été publiée par Barryet al. (1999) - ainsi que de programmes de l’AIEA, BIOMASS 3 et EMRAS. Par ailleurs, une revue complète des modèles a été effectuée par Le Dizes-Maurel (2004) préalablement au développement et aux tests de sensibilité, d’incertitudes et d’intercomparaisons du modèle TOCATTA (Transfert of carbon and tritium in terrestrial and aquatic environments) de l’IRSN (Le Dizes-Maurel, 2004 ; 2005-a ; 2005-b ; 2005-c ; 2006). De plus, un groupe de travail EMRAS
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=