74 Le tritium dans l’environnement La fraction d’eau tritiée qui s’infiltre dans le sol à partir d’un dépôt en surface est généralement mal connue, dans la mesure où elle dépend étroitement et à chaque instant de toutes les caractéristiques hydrauliques du sol et des conditions climatiques ; le groupe de travail BIOMASS 3 a aussi mis en évidence l’importance de l’état de la couverture végétale du sol, un sol végétalisé ayant tendance à augmenter le flux ascendant d’eau tritiée jusqu’à un facteur 3. Comportement du tritiumorganiquement lié dans le sol. L’incorporation de tritium dans la matière organique du sol et les relâchements ultérieurs par réémission ne sont pas bien connus. Des essais in vitro ont mis en évidence une discrimination isotopique en faveur du tritiumpar rapport à l’hydrogène pour ce qui concerne l’incorporation dans les acides humiques et fulviques (facteur d’enrichissement de 1,3 à 1,7, selon Wierczinski et al., 2005) ; les auteurs de ces essais présument que le nombre élevé de liaisons hydrogènes dans ces composés y facilite l’échange tritium vs. hydrogène. Par ailleurs, des observations de Momoshimaet al. (1999), au Japon, ont montré que la litière et l’humus de forêts de pins présentaient des rapports OBT/HTO allant de 1 à 6. Pour en déterminer la cause, des mesures périodiques de tritium libre et organiquement lié dans les aiguilles de pin récoltées, stérilisées ou non, puis placées in situ sur une litière forestière et soumises à une dégradation naturelle durant 100 jours ont été réalisées. Aucune variation significative des concentrations en OBT et HTO (comprises entre 1 et 2,5 Bq/L) mesurées n’a été observée. Les auteurs ont conclu que l’évolution de la concentration en tritiumde la matière organique des humus par dégradation de la litière est un phénomène lent. En effet, si on considère que le tritium initialement lié à la matière organique est relâché en même temps que la minéralisation des molécules carbonées, on pourrait estimer que les périodes de rémanence du tritium organiquement lié seraient respectivement de l’ordre de 4 ans pour 12% du tritium, de 40 ans pour 63% du tritium et de 4 000 ans pour les 25 % restant (Balesdent and Recous,1997), donc du même ordre de grandeur que la période radioactive du tritium où très supérieure à celle-ci. De façon générale, dans les sols cultivés en France, dont la teneur en humus est souvent faible (1 à 5%), cette forme de tritium est la plupart du temps négligeable. En revanche, dans les sols humifères (teneur en matière organique supérieure à 10 %) ou lorsque l’on se trouve dans une zone ayant reçu d’importants apports, la dégradation des molécules organiques peut constituer une source secondaire de tritium, qui reste néanmoins faible : Love et al. (2003) ont déduit de mesures réalisées à proximité du LBNL 7 qu’une partie du tritium de l’eau dans le sol et de la végétation (arbres) proviendrait de la dégradation de l’humus forestier préalablement contaminé. Selon l’activité volumique du tritium dans la vapeur d’eau atmosphérique, cette contribution serait variable mais peu importante. L’ensemble des données disponibles indiquent que le sol n’est pas un compartiment d’accumulation pour le tritium, contrairement à ce qui est observé pour la plupart des autres radionucléides. 6 1 4 Incorporation et devenir du tritium dans les végétaux terrestres 6 1 4 1 Rappels sur la physiologie du végétal Le comportement du tritium dans les végétaux terrestres est déterminé principalement par : • d’une part, le fonctionnement hydrique du végétal, qui conditionne l’absorption racinaire de l’eau ; • d’autre part, la photosynthèse et les processus métaboliques (diurnes ou nocturnes) qui s’ensuivent, c’est la voie privilégiée d’incorporation du tritium sous forme organique dans le végétal. S’y ajoute également l’échange du protium organiquement lié échangeable contre du tritium de l’eau tissulaire et cellulaire (voir également § 2.2.2). Fonctionnement hydrique du végétal. L’absorption de l’eau du sol par le végétal s’effectue par les racines, essentiellement par l’intermédiaire des poils absorbants et des zones apicales. La majeure partie de l’eau absorbée ne fait que transiter dans le végétal et s’échappe de la plante sous forme de vapeur d’eau dans l’atmosphère, par transpiration foliaire. L’épiderme du végétal étant protégé par une cuticule, les échanges gazeux s’effectuent principalement par les pores des stomates. Les stomates sont présents sur les parties aériennes des végétaux (les feuilles, le plus souvent) où se fait l’essentiel de la photosynthèse, à raison de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de stomates par mm2). L’air contenant du dioxyde de carbone (CO 2 ) entre par ces ouvertures pour être utilisé dans la photosynthèse ; la vapeur d’eau est relâchée dans l’atmosphère par ces pores. Durant la phase de transpiration des plantes, ce dégagement d’eau provoque une succion dans les éléments conducteurs de sève qui contribue à faire monter la sève brute. Lorsqu’un déficit hydrique apparaît, le végétal ajuste, rapidement (et de façon réversible jusqu’à un certain seuil de sécheresse) les flux d’eau qui la traversent par la fermeture de ses stomates, grâce à l’action de l’acide abscissique (ABA). Cette phytohormone est synthétisée par les racines puis véhiculée jusqu’aux feuilles par la sève brute. La régulation hydrique diffère selon les espèces et le degré d’ouverture des stomates dépend de nombreux facteurs : rayonnement, température, humidité de l’air, état hydrique du végétal… Les quantités d’eau transitant par le végétal sont variables ; elles peuvent dépasser 100 litres par jour pour un arbre adulte. Le potentiel hydrique (analogue d’une pression négative) représente l’énergie de la liaison de l’eau avec le milieu dans lequel elle se trouve, le potentiel de l’eau libre étant égal à zéro. L’eau se déplace dans le sens des potentiels décroissants. Le potentiel hydrique de l’air est presque toujours plus bas que celui du sol ; le potentiel hydrique dans les feuilles dépend de celui du sol et des résistances au transfert d’eau à travers la plante. On désigne par évapotranspiration (l/m2.an) l’ensemble de l’eau perdue par la végétation (transpiration) et par le sol (évaporation). L’évapotranspiration potentielle (ETP) est déterminée par les conditions climatiques (rayonnement, température, humidité de l’air, vent…) et agronomiques (type de couverture végétale). L’évapotranspiration réelle (ETR) n’est égale à l’ETP que lorsque l’alimentation en eau n’est pas un facteur limitant ; la différence entre ETR et ETP constitue une mesure du déficit hydrique auquel est soumis le végétal in situ. L’évapotranspiration est en général maximale au printemps et moindre en été (sécheresse) ou en hiver (fonctionnement physiologique fortement ralenti). Elle varie également au cours d’une journée en fonction de la température extérieure et du métabolisme de la plante. Photosynthèse. La photosynthèse permet aux végétaux chlorophylliens de transformer le dioxyde de carbone (CO 2 ) de l’atmosphère en glucides en utilisant l’énergie lumineuse. Elle aboutit à l’incorporation d’hydrogène au sein de la matière organique, comme l’indique l’équation de bilan schématique suivante : CO 2 + 2 H 2 O + hν→CH 2 O + O 2 + H 2 O Elle comporte en fait deux suites de réactions, une phase photochimique (qui nécessite de la lumière) d’incorporation du CO 2 dans les stomates, au cours de laquelle l’énergie lumineuse est convertie en énergie chimique, et une phase non photochimique (ne nécessitant pas de lumière mais se déroulant néanmoins généralement durant le jour) au cours de laquelle l’énergie convertie permet la transformation du CO 2 en sucres (oses) par une suite de réactions appelée cycle de Calvin 8. Les molécules organiques issues de la photosynthèse subissent à leur tour des transformations via le métabolisme du végétal, pour constituer les composants nécessaires aux diverses fonctions physiologiques de la plante (croissance, respiration, reproduction…). Si du tritium venant de l’eau tritiée (HTO) est incorporé lors de la photosynthèse, il est susceptible de se retrouver dans diverses molécules organiques constituant la plante, en particulier dans des tissus de réserve où il peut persister en partie. 6 1 4 2 Le tritium dans les végétaux Il est démontré depuis longtemps que seule l’eau tritiée HTO (eau ou vapeur) est susceptible d’être incorporée dans les végétaux autotrophes (Belot et al., 1996, Boyer et al., 2009) : 7 Lawrence Berekley National Laboratory, Californie, USA possédant des installations qui ont rejeté du tritium, surtout durant les années 80 à 90. 8 Dans le cycle de Calvin - Benson - Bassham (cycle RPP) la première étape est la carboxylation du ribulose 1,5 bisphosphate pour former le 3-phosphoglycérate. Cette réaction est catalysée par la ribulose 1,5-bisphosphate carboxylase - oxygénase ou RuBisCO, qui est la protéine la plus abondante au monde et qui représente 50 % de l’ensemble des protéines des feuilles photosynthétiquement actives.
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