234 Point de vue de l’IRSN sur les questions clés et sur les pistes de recherche et de développement Le schéma de la figure 4 récapitule les principaux processus d’échange entre un végétal terrestre et son environnement (sol et atmosphère), en distinguant le tritium libre et le tritium organiquement liés. La concentration du tritium dans l’eau libre des feuilles de la plante (lieu de la photosynthèse) dépend de celle de la sève brute (xylème) transportant l’eau et les sels minéraux puisés dans le sol par les racines et des échanges avec la vapeur d’eau atmosphérique via les stomates des feuilles (régulation des échanges gazeux). Lorsque les plantes absorbent de la vapeur d’eau tritiée par voie foliaire, l’activité de l’eau dans les feuilles reste toujours inférieure à celle de la vapeur d’eau atmosphérique, même quand les expositions sont suffisamment longues pour arriver à un état d’équilibre dynamique, en raison de la dilution de l’eau des feuilles par l’eau qui provient du sol et qui est non contaminée oumoins contaminée que l’air. Lesmolécules organiques synthétisées dans les feuilles, avec leur part de tritium lié (échangeable ou non), sont elles-mêmes transformées en d’autres molécules par le métabolisme de la plante, puis transportées par la sève élaborée (phloème) vers les autres parties de la plante, y compris les racines. Certaines de ces molécules peuvent servir à fabriquer des tissus de structure (bois) ou de réserve (graines, tubercules…) ; dans ce cas, si du tritium a été incorporé au moment de la synthèse de ces molécules, via le sol ou par échange direct avec l’atmosphère, il peut persister durablement dans ces tissus, jusque bien après la fin de l’exposition de la plante au tritium de l’environnement. Le cas échéant, une partie de ces tissus de structure ou de réserve peut se retrouver dans la litière puis dans l’humus des sols (voir paragraphe précédent). L’ensemble de ces phénomènes détermine une rémanence plus ou moins longue du tritium organiquement lié (et non échangeable) dans les végétaux mais ne peut en aucune façon être assimilé à de la bioaccumulation au sens défini au paragraphe 3.1. Ainsi, les données disponibles à l’IRSN concernant le tritium l’environnement terrestre tendent à montrer que, d’une manière générale, l’activité du tritium lié à la matière organique décroît avec une période effective3 proche de 6 ans pour les échantillons végétaux et animaux, et de 5 ans pour les sols. Cette période effective plus courte que la période radioactive du tritium permet de conclure qu’il n’y a pas de bioaccumulation dans les écosystèmes terrestres, le tritium ayant tendance à « disparaître » plus rapidement du fait des différents processus de transfert. Les rares échantillons (feuilles d’arbres) qui présentent actuellement des activités de tritium organiquement lié un peu plus élevées que la moyenne proviennent de stations probablement influencées par un niveau d’activité ambiante plus élevé, actuel ou passé, avec une possibilité de rémanence dans ce type de végétaux, telle que décrite ci-dessus. Le nombre d’études sur les situations de rémanence du tritium en France étant finalement faible, l’IRSN envisage de mener des études d’observation plus fine sur la répartition du tritium dans les végétaux, afin de disposer de données complémentaires. Toutefois, compte tenu des faibles activités de tritium généralement constatées dans l’environnement terrestre, de telles études nécessiteront de recourir à des techniques analytiques permettant d’atteindre des limites de détection suffisamment basses. Cette nécessité apporte un argument supplémentaire en faveur de l’acquisition en cours à l’IRSN d’un nouvel équipement de mesure du tritium par l’hélium-3 (voir §2.3). Remarque : les données pour le tritium relatives aux produits d’origine animale du milieu terrestre sont peu nombreuses et ce sont surtout des modèles physiologiques d’évolution du tritium (en fonction du comportement de l’eau et de la matière organique des animaux) qui ont été développés et qui ont fait l’objet de publications. Les mesures de tritium effectuées en France dans des échantillons de produits d’origine animale en milieu terrestre, ne montrent de valeurs particulièrement élevées. De plus, les facteurs de transfert sont toujours inférieurs à l’unité (et inférieurs à 0,5 pour le tritium ingéré par l’animal sous forme de matière organique végétale), ce qui va dans le sens d’une absence de bioaccumulation du tritium dans les denrées d’origine animale. 3 La période effective (Teff) d’un radionucléide dans un milieu donné représente la période au bout de laquelle, de façon statistique (analyse d’une série de mesures), la moitié de la quantité initiale du radionucléide présent dans ce milieu disparaît, sous l’effet conjugué de la décroissance radioactive (de période Trad) et de processus écologiques (agissant globalement selon une période Teco). La période effective dépend des deux autres périodes selon la relation suivante : 1/Teff = 1/Teco + 1/Trad. Si la période écologique est très grande (absence de processus écologique conduisant à la disparition du radionucléide du compartiment considéré), la période effective est proche de la période radioactive ; à l’inverse, si la période effective est significativement plus courte que la période radioactive, cela signifie que des processus écologiques importants concourent à l’élimination du radionucléide du milieu considéré (transferts à d’autres compartiments). Figure 5 - Concentrations du tritium libre (HTO) mesurées dans l’eau de mer (Bq/L) et du tritium organiquement lié (OBT) mesurées dans des algues (Bq/L eau de combustion) entre Concarneau et Gravelines au cours des années 2001 et 2002 (données IRSN). Figure 4 - Modélisation simplifiée des transferts de tritium dans les arbres (Strack et al., 2005).
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=