Contrôle n°201
DÉCEMBRE 2016 | N° 201 | CONTRÔLE 39 établissements scolaires particulière- ment sensibles à leur responsabilité vis- à-vis des enfants, ceux que nous avons rencontrés estiment en général qu’il y a bien d’autres risques « plus importants » dont ils ont la responsabilité et consi- dèrent que le risque nucléaire, très hypo- thétique, n’est au fond pas leur affaire. De ce point de vue, les choses n’ont guère changé en sept ans. Fukushima n’a pas eu pour effet d’augmenter significati- vement l’appropriation du risque, et le déroulé des événements n’a pas non plus été l’occasion d’attester de l’utilité de la prise d’iode. C’est pourquoi la campagne de 2016 se heurte à la même difficulté, la même impossibilité que la précédente distribution. Il serait illusoire d’imaginer que 100 % des foyers feront, dans cette campagne de distribution, la démarche de retirer leur boîte de comprimés, car il est particulièrement difficile de susci- ter une action chez des gens qui croient vouloir, mais au fond ne veulent pas. La campagne de distribution touche en gros la moitié des foyers, et les modalités de sa mise en œuvre, plus ou moins bien exécutées, ont forcément une influence puisque l’on observe des écarts entre les taux de retrait selon les zones. Mais il y a vraisemblablement une limite au taux de retrait à espérer, que l’on peut empirique- ment situer un peu au-dessus du meilleur taux constaté localement (en ayant éli- miné les biais possibles sur le calcul des taux, qui tiennent à la qualité du fichier constitué pour identifier les foyers). L’envoi à domicile : une fausse bonne idée ? Faut-il pour autant conclure à la néces- sité de substituer au retrait en pharmacie une distribution au domicile ? Ce n’est pas sûr, car ce qui compte n’est pas que la boîte de comprimés soit quelque part à l’intérieur des maisons, mais ce qui se joue autour des comprimés d’iodes. Il y a un risque évident, à l’analyse des entretiens que nous avons menés, que les mêmes foyers qui négligent d’aller reti- rer les comprimés soient négligents dans l’usage de la boîte une fois reçue, et peu à même de savoir quoi en faire ou même de la retrouver en cas d’alerte. La démarche volontaire du retrait en pharmacie, c’est au moins le signe d’une appropriation a minima de la boîte et de son usage. La boîte de comprimés doit agir comme un objet transitionnel, mais à la différence du doudou des jeunes enfants sa fonc- tion n’est pas de rassurer mais de rappe- ler l’existence d’un risque. Faute d’être la réponse rationnelle à un risque conscien- tisé et apprécié dans ses justes propor- tions, la boîte de comprimés d’iode peut être un moyen de prendre conscience de la réalité du risque, entre dénégation et fantasme. Cette prise de conscience peut être appuyée par un échange avec des pro- fessionnels, au moment du retrait, mais elle demande aussi à être soutenue, dans la durée, par une action en continu qui puisse servir de piqûre de rappel. Cela pourrait prendre la forme d’une vérifi- cation périodique de la connaissance, chez les habitants des zones PPI, des précautions à prendre et de leur capa- cité à remettre la main sur leur boîte de comprimés. Les comprimés d’iodes pourraient ainsi non seulement être un moyen de protection en cas d’accident, mais aussi un moyen d’acquisition d’une forme de culture du risque, nécessaire au bon accomplissement de l’ensemble des comportements attendus.
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