Rapport de l'ASN 2023

une réelle mobilisation collective autour de ces enjeux avec un objectif de « faire bon du premier coup ». L’ASN estime que ces démarches vont dans le bon sens et doivent être encouragées. Du point de vue de la sûreté, les donneurs d’ordre doivent s’assurer que la chaîne des prestataires maî‑ trise, dès le lancement des projets, les exigences tech‑ niques, réglementaires, normatives et contractuelles issues des études détaillées de conception. Dans ce contexte, l’ASN a renforcé depuis plusieurs années son contrôle de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux installations nucléaires au travers d’inspections de fournisseurs, ainsi que de leurs sous-traitants. Les enseignements issus de ces contrôles ont été communiqués aux exploitants mi-2023. Les inspections ont permis, dans l’ensemble, de constater la maîtrise technique des activités réali‑ sées par les fournisseurs, mais mettent en évidence des faiblesses récurrentes dans la rigueur industrielle de l’ensemble de la filière nucléaire qu’il convient de corriger. Ces faiblesses concernent principalement les manques de connaissance par les fournisseurs des exigences spécifiées importantes pour la sûreté, de maîtrise de certains procédés spéciaux, ainsi que de rigueur et de performance dans la surveillance. Au-delà de ces faiblesses, il apparaît également néces‑ saire de mieux prendre en compte les enseignements des cas d’irrégularités détectés dans la filière nucléaire et dans sa chaîne d’approvisionnement en France et à l’étranger. L’ASN estime que cette situation n’est pas acceptable. Dans un contexte de montée en charge inédit, la filière doit relever un défi majeur concer‑ nant la lutte contre les falsifications et les contrefa‑ çons, à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance, en jouant à la fois sur la prévention, la détection et le traitement des cas identifiés. LA CULTURE DE LA RADIOPROTECTION DANS LE DOMAINE MÉDICAL DOIT ÊTRE ENTRETENUE En 2023, le niveau de radioprotection dans ce domaine est satisfaisant mais les fragilités antérieures persistent sans amélioration significative. L’ASN constate ainsi depuis plusieurs années une trop lente amélioration de la culture de radioprotection pour les pratiques interventionnelles radioguidées au bloc opératoire. Cela l’a conduite, en 2023, à engager une démarche de coercition pour la mise en confor‑ mité des locaux et la formation à la radioprotection des personnels. L’ASN note les efforts consentis par les pro‑ fessionnels pour les actions de formation adaptées aux enjeux spécifiques de chaque discipline qui doivent perdurer pour assurer la montée en compétence et la juste compréhension de ces enjeux. Par ailleurs, même quand la culture de radioprotec‑ tion semble mature, il est nécessaire d’interroger et de se réapproprier la mise en œuvre de la démarche d’assurance de la qualité. C’est le cas en radiothérapie, où un nombre inédit d’événements indésirables par erreur de cible (erreur de latéralité ou de positionne‑ ment) a été constaté en 2023. L’ASN rappelle l’impor‑ tance de l’analyse des risques a priori, de l’évaluation de l’efficacité des barrières mises en place et de la prise en compte du REX local comme national. À ce titre, les principes d’une méthodologie pour réaliser l’analyse des risques ont été présentés dans le bulletin « La sécurité du patient » d’octobre 2023. L’ASN constate également des signaux faibles, qui, bien que non liés directement à des événements significa‑ tifs ou des événements indésirables graves, témoignent de conditions défavorables à la radioprotection. L’ASN note ainsi une augmentation de remontées, en inspection et par le dispositif des lanceurs d’alerte, de situations conflictuelles internes. Parmi les « traits pour une culture de la radioprotection dans le domaine des soins» proposés par l’Agence internationale de l’éner‑ gie atomique (AIEA), figure un environnement de tra‑ vail respectueux, nécessaire pour une communication efficace et qui garantit à tout agent la possibilité de faire part de ses préoccupations, de remettre en ques‑ tion une décision ou une organisation et ainsi d’exercer sa responsabilité individuelle. De plus, le manque de ressources, les tensions sur les effectifs et le recours au travail intérimaire ou à des prestataires extérieurs, l’essor de la télé-radiologie ou encore la mutualisation de moyens, dans un contexte de réformes des autorisations de soins, conduisent à de nouvelles organisations, souvent complexes, qui peuvent amener une certaine dilution des responsa‑ bilités. Face à ces changements organisationnels, l’ASN reste attentive, dans son action de contrôle, en inspec‑ tion et lors de la délivrance des autorisations, au bon respect des obligations réglementaires ; elle attire l’at‑ tention des décideurs sur la nécessité d’évaluer l’im‑ pact de ces évolutions sur les organisations et sur le travail des intervenants, et de définir précisément les rôles et responsabilités de l’ensemble des acteurs afin d’assurer le maintien et le développement de la culture de radioprotection. LA PROTECTION DES SOURCES RADIOACTIVES CONTRE LES ACTES DE MALVEILLANCE RESTE PERFECTIBLE Sujet non réglementé en France il y a encore quelques années, la protection des sources radioactives contre des actes de malveillance nécessite une prise de conscience de l’ensemble des personnes concernées. 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 03 • Éditorial du collège

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