Rapport de l'ASN 2023

Malgré une légère amélioration en 2023, l’ASN juge toujours préoccupants les écarts observés en matière de signalisation de la zone d’opération lors des chantiers (observés lors de quasiment une inspection sur quatre). L’ASN souligne que le manque de préparation et de coopération, en amont des chantiers, entre les principaux donneurs d’ordre et les entreprises de radiographie est une des causes de ces écarts. Ainsi, dans plus de 40 % des inspections, des écarts concernant le plan de prévention ont été constatés (notamment absence de plan, plan non connu des opérateurs ou plan non disponible sur le lieu du chantier, contenu insuffisant). L’ASN rappelle que le balisage doit être posé avant le début du chantier, donc, en tout état de cause, avant d’avoir installé le matériel de radiographie, qu’il doit être continu et que des signaux lumineux en nombre suffisant sont indispensables. Pour s’assurer que la valeur réglementaire de dose efficace intégrée sur une heure soit respectée en limite de balisage, il est essentiel qu’une ou plusieurs mesures soient effectuées et que leurs résultats soient enregistrés. Le balisage de la zone d’opération constitue en effet la principale barrière de sécurité en conditions de chantier, en particulier pour prévenir les expositions incidentelles. L’ASN reste donc très vigilante sur ce point, qui fait l’objet d’un contrôle systématique lors des inspections réalisées sur les chantiers. Des sanctions pénales ont par ailleurs déjà été proposées en cas de manquements graves. En France, les accidents en gammagraphie restent limités en nombre et en conséquences depuis mars 1979, où un accident avait conduit à l’amputation de la jambe d’un ouvrier qui avait ramassé et mis dans sa poche une source d’iridium-192 de 518 GBq. Cet incident avait entraîné un renforcement de la réglementation en vigueur à l’époque. Ceci ne doit pas être perçu comme un acquis. L’ASN exerce une veille sur les accidents survenus à l’étranger qui ont parfois eu des effets graves. Dans les dernières années, parmi les exemples dont l’ASN a eu connaissance et qui confirment les risques auxquels des actions inappropriées peuvent exposer les opérateurs: • en 2023, en Allemagne, un radiologue a été exposé à une dose de 71,5 millisieverts (mSv) après être entré dans une installation alors que l’appareil électrique émettant des rayonnements ionisants mis en œuvre à l’intérieur était encore en fonctionnement. Les causes de l’événement sont toujours en cours d’investigation ; • en 2023, aux États-Unis, un radiologue en formation a été exposé plusieurs fois, lors d’un chantier, à une source d’iridium-192 en effectuant diverses opérations (remplacement du film, déplacement de la gaine d’éjection) alors que la source était toujours positionnée dans l’embout d’irradiation en raison du décrochement du porte-source. Au cours de cet incident, plusieurs barrières de radioprotection n’ont pas été respectées, notamment par l’absence de supervision du radiologue en formation (en particulier lors de la phase de connexion du porte-source), l’absence de port de dosimètre, d’utilisation de radiamètre et de réalisation des vérifications du bon retour de la source dans le projecteur (contrôle du voyant, mesures, etc.). Le radiologue en formation ne s’est aperçu du problème que lors de la déconnexion de la gaine d’éjection du projecteur. La reconstitution dosimétrique (en l’absence du port d’un dosimètre) a estimé la dose efficace reçue à 75 mSv et à 258 mSv en dose aux extrémités; • en 2022, aux États‑Unis, une équipe de trois opérateurs d’une société de contrôle non destructif procédait à des tirs de gammagraphie. Un des opérateurs se trouvait à proximité de la source de cobalt-60 lorsqu’elle a été éjectée par son collègue qui n’avait pas de visuel direct. Étant donné l’environnement très sonore du chantier, l’opérateur n’a pas entendu l’alarme de ses appareils de mesure et a été exposé pendant environ une minute à une dose de 55 mSv; • en 2022, en Belgique, un radiologue a été exposé (14 mSv corps entier, dose extrémité non précisée) à une source de sélénium-75 pendant un bref instant (60 à 90 secondes) lorsqu’il a voulu déconnecter le collimateur de l’appareil alors que la source y était encore présente. L’alarme de son dosimètre opérationnel n’a pas fonctionné car celui‑ci n’avait plus de pile ; de plus, l’opérateur n’était pas muni de son radiamètre. C’est l’alarme du dosimètre opérationnel de son assistant qui s’est déclenchée lorsque celui‑ci s’est approché de la source, qui a permis d’identifier l’incident ; • en 2022, en Hongrie, un opérateur a été exposé lors de la manipulation du collimateur et de la gaine d’éjection, à environ 134 mSv, la source de sélénium-75 n’étant pas rentrée en position de sécurité dans le projecteur; • en 2021, aux États‑Unis, un employé d’une société de contrôle non destructif a été exposé à une dose de 70 mSv (corps entier) alors qu’il procédait à des tirs de gammagraphie au sein d’une installation dédiée. Les procédures en vigueur au moment de cet accident permettaient la présence de l’opérateur à l’intérieur de l’installation, même lorsque la source était en position d’irradiation. L’employé d’une autre société de contrôle non destructif a été exposé à une dose de 93 mSv (corps entier) en manipulant un projecteur de gammagraphie défaillant dont la source n’était pas en position de sécurité. Ces deux événements ont été classés au niveau 2 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (International Nuclear and Radiological Event Scale – INES) ; • en 2021, en Serbie, une source d’iridium-192 s’est décrochée du câble de télécommande lors d’un contrôle non destructif réalisé en extérieur. Les deux opérateurs n’ont pas vérifié le bon retour de la source en position de sécurité à la fin du contrôle et ne se sont aperçus de son absence qu’à leur retour dans leur société. La source a été retrouvée le lendemain après intervention d’un laboratoire spécialisé. Les deux opérateurs ont été exposés à des doses de 451 mSv et de 960 mSv; • en 2021, en Espagne, deux employés d’une société de contrôle non destructif ont été exposés en accédant à un bunker de gammagraphie, alors que la source d’iridium-192 n’était pas en position de sécurité (source bloquée). Le dosimètre à lecture différée du premier employé a indiqué une dose d’environ 70 mSv, et d’environ 3 sieverts (Sv) pour le second. L’événement a été classé au niveau 2 de l’échelle INES ; • en 2020 aux États‑Unis, un radiologue et deux aides radiologues effectuant des contrôles non destructifs dans une unité de production d’asphalte ont été exposés à des doses corps entier de 636, 104 et 26 mSv en tentant de réintégrer la source dans le projecteur de gammagraphie alors que la gaine d’éjection avait été écrasée lors de la chute d’un support provenant d’une cuve de stockage. L’événement a été classé au niveau 2 de l’échelle INES. Les données antérieures sont consultables dans les éditions précédentes de ce rapport annuel, lesquelles sont disponibles sur asn.fr, rubriques «L’ASN informe», « Publications », « Rapports de l’ASN ». GAMMAGRAPHIE : DES ACCIDENTS GRAVES À L’ÉTRANGER 260 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 08 • Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources

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