Une chaîne du combustible fragilisée, qui met le système électrique sous tension L’industrie du «cycle du combustible» est constituée de l’ensemble des installations concourant à la produc‑ tion des combustibles neufs, au retraitement des com‑ bustibles usés et à la valorisation des produits issus du retraitement. Ces installations, non redondantes, consti‑ tuent les maillons d’une chaîne dont le fonctionnement peut être perturbé si l’une d’entre elles est défaillante durablement. Une série d’événements fragilise actuellement l’en‑ semble de la chaîne du « cycle du combustible » et constitue un point d’attention stratégique majeur pour l’ASN, dans la mesure où une accumulation de matières ou de déchets radioactifs non anticipée pour‑ rait conduire à des conditions d’entreposage non satis‑ faisantes du point de vue de la sûreté. La construction de la piscine centralisée d’entreposage des combustibles usés prévue par EDF pour répondre au risque de saturation des piscines actuelles à l’horizon 2030, dont le besoin avait été identifié depuis 2010, n’est pas encore démarrée ; cette piscine ne sera disponible au mieux qu’en 2034. Ce retard nécessitera la mise en place de parades pour augmenter les capacités d’entre‑ posage existantes. La parade retenue par Orano, consis‑ tant à densifier l’entreposage dans les piscines actuelles de l’usine de La Hague, ne peut pas constituer une solu‑ tion pérenne compte tenu des durées d’entreposage nécessaires, de l’ordre d’une centaine d’années, et des standards de sûreté les plus récents. Par ailleurs, les difficultés de fonctionnement de l’usine Melox d’Orano rencontrées ces dernières années, qui se sont aggravées en 2021, induisent une saturation dès 2022 des capacités d’entreposage des matières plutonifères, du fait de la production d’une quan‑ tité importante de rebuts de fabrication. Ces diff i‑ cultés conduisent dès à présent au « démoxage » de certains des réacteurs de 900 MWe qui utilisaient le MOX comme combustible. Elles pourraient également induire une saturation à une échéance plus proche que 2028-2029 des piscines d’entreposage des combustibles usés de l’usine de La Hague. Enf in, la découverte d’une corrosion plus rapide que prévue à la conception sur les évaporateurs actuels de l’usine d’Orano La Hague réduit les capacités de retrai‑ tement jusqu’à la mise en service des nouveaux évapo‑ rateurs‑concentrateurs de produits de fission et pourrait dégrader encore davantage la marge à la saturation des piscines de La Hague. Globalement, ces situations traduisent un manque d’anticipation et de précaution du fait de l’absence de marge qui fragilise l’ensemble de la chaîne du «cycle du combustible » et qui pourrait, par ricochet, avoir des conséquences sur le fonctionnement des centrales nucléaires. Une tension sur la disponibilité du parc nucléaire, qui rappelle le besoin de maintien des marges pour la sûreté L’hiver 2021-2022 a été marqué par une moindre dispo‑ nibilité du parc nucléaire que celle envisagée. Plusieurs causes en sont à l’origine ; certaines étaient prévisibles, d’autres moins. Le report de l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville, la mise à l’arrêt en 2020 des deux réac‑ teurs de Fessenheim et le calendrier des opérations lourdes de maintenance («grand carénage») program‑ mées à partir de 2018 étaient connus. À cette moindre disponibilité prévisible dès 2018, s’est ajouté l’impact inattendu, identifié dès mi-2020, de la pandémie de Covid-19, notamment du premier confi‑ nement. Ce conf inement a, en effet, conduit à étaler les opérations de maintenance et de rechargement en combustible des réacteurs, ce qui a eu pour consé‑ quences de réduire les marges sur les capacités de pro‑ duction pour plusieurs hivers consécutifs. Enf in, cet hiver, s’est ajouté la mise ou le maintien à l’arrêt des quatre réacteurs de Civaux et de Chooz du palier N4, puis d’un réacteur de Penly, pour des contrôles approfondis et des réparations, à la suite de la détection d’anomalies de corrosion sous contrainte sur des soudures du circuit d’injection de sécurité des réacteurs. Un programme de contrôle s’étalant sur plu‑ sieurs mois des réacteurs du parc nucléaire susceptibles d’être les plus affectés a été proposé par EDF. … 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 ÉDITORIAL DU COLLÈGE
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=