2 // Les actions de l’ASN dans le champ des installations du «cycle du combustible» : une approche graduée 2.1 L’approche graduée en fonction des enjeux des installations À chaque étape du « cycle du combustible », les installations présentent des enjeux différents : ∙ les installations de conversion et d’enrichissement induisent principalement des risques toxiques (du fait de la forme chimique des substances radioactives qu’elles mettent en œuvre), des risques de criticité (lorsqu’elles mettent en œuvre des matières enrichies) et de dissémination de substances radioactives (qui se présentent en poudre, sous forme liquide ou cristallisées) ; ∙ les installations de fabrication de combustible induisent principalement des risques toxiques (quand elles ont des unités de conversion), de criticité, d’incendie ou d’explosion (ce sont des usines de céramique qui utilisent des procédés de chauffe), de dissémination de substances radioactives (qui se présentent en poudre ou sont cristallisées) et d’exposition à des rayonnements ionisants (lorsqu’elles mettent en œuvre des substances issues du retraitement) ; ∙ les installations de retraitement de combustible usé induisent principalement des risques de dissémination de substances radioactives (les substances mises en œuvre sont notamment liquides et en poudre), de criticité (les substances fissiles mises en œuvre changent de forme géométrique) et d’exposition à des rayonnements ionisants (les combustibles contiennent des substances très irradiantes). Leur point commun est que les réactions en chaîne n’y sont jamais recherchées (prévention du risque de criticité) et qu’elles mettent en œuvre des substances dangereuses dans des quantités industrielles. Les risques industriels classiques y sont donc prégnants. Certaines usines d’Orano du Tricastin et à La Hague ou de Framatome à Romans‑sur‑Isère relèvent à ce titre de la directive Seveso. L’ASN s’attache à appliquer un contrôle proportionné aux en- jeux de chaque installation, classée par l’ASN dans l’une des trois catégories définies au regard de l’importance des risques et inconvénients qu’elle présente. Cette classification des INB permet d’adapter le contrôle des installations et de renforcer celui des installations à enjeux importants, en matière d’inspection et de profondeur des instructions menées par l’ASN. Lorsque les installations sont modifiées de manière substantielle ou lorsqu’elles sont définitivement arrêtées, l’ASN est chargée de l’instruction de ces modifications qui font l’objet d’un décret modificatif par le Gouvernement, dont l’ASN est préalablement saisie. L’ASN établit aussi les prescriptions qui encadrent ces grandes étapes. Enfin, l’ASN instruit également les dossiers de sûreté justifiant le fonctionnement de chacune des INB. L’ASN contrôle, pour chaque installation, l’organisation et les moyens retenus par l’exploitant pour lui permettre d’assurer ses responsabilités en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection, de gestion de crise en cas d’accident, ainsi que de protection de la nature, de l’environnement, de la santé et de la salubrité publiques. L’ASN contrôle le fonctionnement des organisations mises en place par les exploitants, principalement au travers d’inspections, notamment celles consacrées au management de la sûreté. À cet égard, Orano a déposé en février 2020 des demandes de changement d’exploitant concernant l’ensemble de ses INB. Ce projet, dit « PEARL », autorisé par décrets du 15 décembre 2021, a conduit à séparer dans trois filiales distinctes les activités du groupe dans les domaines de l’amont du cycle, de l’aval du cycle et du démantèlement. L’instruction de cette demande par l’ASN a montré qu’elle induisait un changement d’organisation dans l’exploitation des INB en démantèlement du groupe Orano, susceptible de remettre en cause le principe prévu par le code de l’environnement selon lequel la responsabilité opérationnelle de l’exploitation d’une INB doit revenir à son exploitant nucléaire. Orano a donc déposé en décembre 2020 une demande de dérogation à ce principe. Cette demande a fait l’objet d’une instruction par l’ASN qui prendra position en 2022. 2.2 Les réexamens périodiques des installations du «cycle du combustible» Depuis la publication du décret du 2 novembre 2007, l’ensemble des exploitants d’INB doivent réaliser des réexamens périodiques de leur installation au moins tous les dix ans. Ces exercices ont été conduits graduellement sur les installations du cycle. Les premiers ont concerné les INB 151 (Melox) et 138 (IARU, ex-Socatri) et ont permis d’identifier de nombreuses actions de renforcement de ces installations, dont l’essentiel est mis en œuvre aujourd’hui. L’instruction de ces réexamens périodiques a confirmé la pertinence de définir, dans une phase dite d’orientation, les sujets à examiner par l’exploitant durant le réexamen périodique et les méthodologies attendues. Par ailleurs, les démonstrations de sûreté de l’ensemble des INB doivent s’enrichir d’analyses probabilistes. Le réexamen de l’usine UP2‑800 (INB 117) est en voie d’achèvement, avec la finalisation de l’examen des propositions d’amélioration portant sur l’atelier NPH prévue début 2022. Pour l’usine UP3-A (INB 116), Orano a transmis fin 2020 son rapport de conclusions du réexamen, qui fera l’objet d’un examen par le groupe permanent d’experts chargé des usines au cours de plusieurs réunions prévues entre 2023 et 2025. Enfin, l’ASN prendra position prochainement sur la poursuite du fonctionnement de la STE3 (INB 118). Le réexamen de la FBFC (INB 98) comprend des améliorations de sûreté de l’installation notamment concernant la maîtrise des risques d’incendie, la maîtrise de la criticité et le renforcement du génie civil. Toutefois, il a montré la nécessité de mieux intégrer les risques liés aux substances dangereuses dans la démonstration de sûreté des installations du cycle, en assurant un niveau d’exigence au moins équivalent aux installations classées relevant du régime Seveso seuil haut. En conséquence, l’ASN a fixé en 2020 une prescription demandant une actualisation de la démonstration de sûreté relative aux risques induits par les substances dangereuses dans sa décision associée à ce réexamen. En octobre 2021, à l’issue de l’instruction du rapport de conclusions du réexamen de TU5 (INB 155), l’ASN a validé la poursuite du fonctionnement de l’INB 155. Les réexamens montrent l’importance d’une vérification in situ de la conformité des éléments importants pour la protection (EIP) la plus exhaustive possible, ou la plus représentative possible des EIP non accessibles. Ils illustrent aussi le besoin de disposer d’une démarche robuste pour la maîtrise du vieillissement des installations du « cycle du combustible ». Le développement de ces démarches peut présenter une certaine complexité car la plupart des installations du «cycle du combustible» sont uniques en leur genre. Dans le contexte de la corrosion plus rapide que prévu des évaporateurs‑concentrateurs de produits de fission et d’autres équipements de l’usine de La Hague, la maîtrise du vieillissement constitue, pour l’ASN, un enjeu prioritaire pour les installations de l’aval du cycle qui fait l’objet d’inspections dédiées et d’une vigilance accrue dans l’instruction des réexamens périodiques en cours. 326 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 11 – LES INSTALLATIONS DU « CYCLE DU COMBUSTIBLE NUCLÉAIRE »
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