Dans une zone couverte par un registre, l’objectif est de mettre en évidence des différences de répartition spatiale, de dégager des évolutions temporelles en termes d’augmentation ou de diminution du taux d’incidence des différentes localisations cancéreuses, ou encore de repérer un agrégat de cas. En fonction de la qualité de leur base de données populationnelle et de leur ancienneté, certains registres participent à de nombreuses études explorant les facteurs de risque des cancers (dont les risques environnementaux). Cependant, les registres ne couvrent pas nécessairement les régions proches des installations nucléaires. L’investigation épidémiologique est une tâche complémentaire de la surveillance. Elle a pour vocation de mettre en évidence une association entre un facteur de risque et la survenue d’une maladie, entre une cause possible et un effet, ou tout au moins de permettre d’affirmer que l’existence d’une telle relation causale présente une très forte probabilité. La difficulté intrinsèque à mener ces études est à rappeler, de même que la difficulté à conclure de façon convaincante lorsque le délai d’apparition de la maladie est long ou encore lorsque le nombre de cas attendus est faible, ce qui est notamment constaté pour des expositions faibles de quelques dizaines de millisieverts (mSv). Les cohortes comme celles de Hiroshima et de Nagasaki ont clairement mis en évidence un excès de cancers, alors que l’exposition moyenne est de l’ordre de 200 mSv ; des études sur des travailleurs de l’industrie nucléaire, publiées durant ces dernières années, suggèrent des risques de cancer à des doses plus faibles (doses cumulées sur plusieurs années). Ces résultats soutiennent la justification d’une protection radiologique des populations exposées aux faibles doses de rayonnements ionisants (travailleurs de l’industrie nucléaire, personnels médicaux, exposition médicale à finalité diagnostique, etc.). 2. Le radon est un gaz radioactif naturel, descendant de l’uranium et du thorium, émetteur de particules alpha et classé cancérigène pulmonaire certain par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) depuis 1987. En l’absence de données sur l’impact des faibles doses sur l’apparition d’un cancer, des estimations sont fournies en extrapolant de façon linéaire et sans seuil, les effets observés décrits aux fortes doses. Ces modélisations donnent des estimations des risques encourus lors d’une exposition aux faibles doses de rayonnements ionisants qui restent cependant controversées au niveau scientifique. Des études sur de très larges populations sont actuellement en cours pour étoffer ces modélisations. Sur la base des synthèses scientifiques du Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation – UNSCEAR), la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a publié les coefficients de risque de décès par cancer dus aux rayonnements ionisants, soit 4,1% d’excès de risque par sievert pour les travailleurs et 5,5% par sievert pour la population générale (voir publication CIPR 103). L’évaluation du risque de cancer du poumon dû au radon(2) repose sur un grand nombre d’études épidémiologiques, réalisées directement dans l’habitat, en France et à l’échelle internationale. Elles ont permis de décrire une relation linéaire, même pour une exposition faible (200 becquerels par mètre cube – Bq/m3) sur une durée de 20 à 30 ans. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a fait une synthèse et recommande, pour le public, un niveau d’exposition annuelle maximale situé entre 100 et 300 Bq/m3. La publication 115 de la CIPR a comparé les risques de cancer du poumon observés dans le cadre des études sur les mineurs d’uranium avec ceux observés en population générale et a conclu à une très bonne concordance des risques observés dans ces deux conditions d’exposition au radon. Les recommandations de la CIPR confortent celles émises par l’OMS, qui considère que le radon constitue, loin après le tabac, le facteur le plus important de risque de cancer du poumon. Par ailleurs, pour des expositions au radon égales, le risque de cancer du poumon est beaucoup plus élevé chez les fumeurs : trois quarts des décès par cancer du poumon attribuables au radon surviendraient chez des fumeurs. Les recommandations de la Commission internationale de protection radiologique La CIPR, qui a émis de nouvelles recommandations pour le calcul des doses efficaces et équivalentes (publication 103) en 2007, actualise progressivement les valeurs des coefficients de dose efficace pour l’exposition interne et externe. Sa publication 137 (2017), intitulée Incorporation de radionucléides en milieu du travail – Partie 3, porte sur 14 radioéléments, dont le radon. Les doses délivrées par le radon et ses descendants dépendent de nombreux paramètres (variabilité des situations d’exposition, des individus, etc.). Les précédents coefficients de dose pour l’exposition au radon et à ses descendants, recommandés par la CIPR (publication 65, 1993), reposaient sur une approche épidémiologique. La publication 115 de la CIPR (2010) a permis une mise à jour du risque de cancer du poumon lié à l’exposition au radon sur la base de nouvelles études épidémiologiques. La CIPR avait conclu que le risque de décès par cancer du poumon chez les adultes ayant été exposés de façon chronique à de faibles concentrations de radon était près de deux fois plus élevé que celui estimé sur la base des connaissances disponibles en 1993. Les coefficients de dose pour le radon issus de la publication 137 de la CIPR (2017) reposent sur une approche dosimétrique, comme pour les autres radionucléides. Ils conduisent, à exposition égale au radon et à ses descendants, à augmenter de façon significative la dose efficace annuelle reçue par les travailleurs exposés au radon (près de deux fois plus élevée). Compte tenu de ces évolutions et dans l’attente d’une mise à jour de la réglementation(*) pour actualiser les coefficients de dose à mettre en œuvre pour le radon et ses descendants, l’ASN a saisi le Groupe permanent d’experts en radioprotection, pour les applications industrielles et de recherche des rayonnements ionisants, et en environnement (GPRADE) afin d’identifier les difficultés que pourrait soulever l’application des nouveaux coefficients de la CIPR (publication 137, 2017). Le GPRADE a remis son avis à l’ASN en 2020. L’ASN prendra position sur cet avis début 2021 avec la publication du rapport et de l’avis du GPRADE. * Arrêté du 1er septembre 2003 définissant les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes résultant de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants. 104 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 01 – LES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES : RAYONNEMENTS IONISANTS ET RISQUES POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT
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